Lorsqu’une entreprise traverse une crise ou doit agir dans l’urgence, son dirigeant est confronté à une pression intense. Décider vite, bien et sans certitude absolue est un exercice délicat qui peut faire la différence entre succès et échec. Pourtant, certains dirigeants semblent toujours prendre les bonnes décisions. Leur secret ? Une méthode rigoureuse et des réflexes forgés par l’expérience. Chaque choix peut avoir des conséquences majeures, la capacité à garder son sang-froid et à structurer sa réflexion devient un atout stratégique. Les entrepreneurs et dirigeants qui excellent dans cet exercice appliquent des principes précis qui leur permettent d’agir avec confiance, même lorsque le temps joue contre eux.
Gérer l’émotion pour éviter la précipitation
Face à une situation critique, l’instinct premier est souvent de réagir immédiatement. Or, la précipitation est l’ennemi des bonnes décisions. Alexandre Ricard, PDG de Pernod Ricard, l’a démontré lors de la crise du Covid-19. Plutôt que de couper brutalement les investissements par crainte d’une baisse des ventes, il a maintenu une dynamique commerciale en adaptant la stratégie digitale du groupe. Ce choix, guidé par une analyse rationnelle plutôt que par l’émotion, a permis à l’entreprise de sortir renforcée de la crise.
Les dirigeants aguerris développent des techniques pour maîtriser leur stress et éviter les décisions impulsives. La respiration contrôlée, la reformulation des problèmes ou encore la prise de recul temporaire sont autant d’outils qui permettent de calmer l’esprit et d’aborder une situation avec plus de lucidité. Prendre quelques instants pour analyser la situation sous un autre angle est souvent ce qui différencie une décision précipitée d’une décision efficace.
Raisonner en scénarios plutôt qu’en choix uniques
Les dirigeants expérimentés ne se demandent pas simplement « Que dois-je faire ? » mais « Quelles sont mes options et leurs conséquences ? ». Cette approche élargit le champ des possibles et permet de limiter les risques d’erreur. Jean-Dominique Senard, président de Renault, a appliqué cette méthode lors de la refonte stratégique du groupe après l’affaire Carlos Ghosn. Plutôt que de prendre une décision hâtive, il a étudié plusieurs scénarios : consolidation des alliances, recentrage sur les marchés clés, accélération de l’électrification. En choisissant méthodiquement les alternatives, il a pu préserver l’équilibre du groupe tout en préparant son avenir.
L’outil du « premortem », utilisé dans de nombreuses entreprises françaises, permet d’anticiper les échecs potentiels. Il s’agit de se poser la question : « Si cette décision échouait dans six mois, qu’en serait la cause ? ». Cette approche aide à révéler les failles d’un raisonnement et à ajuster les choix avant de les mettre en œuvre.
S’appuyer sur les signaux faibles et les bonnes personnes
Un dirigeant performant ne décide jamais seul. Il sait s’entourer d’experts, écouter ses équipes et analyser les tendances du marché. Xavier Niel, à la tête de Free, excelle dans cet exercice. Lors du lancement de Free Mobile, il a su capter les attentes des consommateurs et identifier les failles des concurrents avant d’introduire son offre disruptive. En combinant intuition entrepreneuriale et données objectifs, il a su prendre une décision risquée mais gagnante. Les signaux faibles – ces indices précurseurs d’un changement – sont aussi un facteur déterminant. Il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur une observation fine des comportements pour anticiper l’essor d’un secteur. Plutôt que de réagir aux tendances, il s’agit de les détecter en amont et structurer son offre en conséquence. Être attentif à ces indices permet d’anticiper les évolutions du marché et de prendre des décisions éclairées avant que la concurrence ne s’adapte.
Se préparer pour mieux décider sous pression
Si certains dirigeants semblent à l’aise en situation de crise, c’est avant tout parce qu’ils s’y préparent activement. Tony Parker applique à ses décisions entrepreneuriales la même rigueur que sur le terrain : anticipation des scénarios, visualisation des risques et mise en place de plans alternatifs. Cette discipline évite l’improvisation lorsqu’une crise éclate et permet d’agir avec méthode. Les grands dirigeants développent des routines décisionnelles qui les fournissent à structurer leur pensée en toutes circonstances.
La méthode OODA (Observer, Orienter, Décider, Agir), issue de l’aviation militaire et adoptée par de nombreux entrepreneurs, est un excellent outil pour agir rapidement tout en conservant une vision claire. Elle repose sur une capacité d’adaptation rapide aux nouvelles informations, un atout précieux en période d’incertitude.
Trancher au bon moment
Une bonne décision prise trop tard peut être aussi désastreuse qu’une mauvaise décision prise trop tôt. Lors de la pandémie, Decathlon a su réagir immédiatement en réorientant la production de ses masques de plongée pour une utilisation médicale. Cette réactivité a permis d’apporter une solution innovante en un temps record, tout en renforçant l’image de l’entreprise. Les dirigeants qui réussissent reconnaissent le moment critique où l’hésitation n’est plus possible. Ils s’entraînent à identifier les signaux indiquant qu’une décision doit être prise et accepter de trancher sans attendre une certitude absolue. Ils savent également que l’inaction peut être plus risquée qu’une décision imparfaite, pourvu qu’elle soit ajustable en temps réel.
Au final, la meilleure décision est celle qui fait avancer. Prendre une décision sous pression ne signifie pas être infaillible, mais savoir ajuster son cap rapidement en cas d’erreur. Les grands dirigeants ne cherchent pas à éviter tout risque, mais à choisir la voie qui permet à leur entreprise de progresser. La clé du succès ne réside pas dans l’absence d’erreurs, mais dans la capacité à les corriger rapidement et à continuer d’avancer.