Interview de Philippe Bloch, Co-fondateur de Columbus Café

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Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots votre expérience de création des cafés Columbus ?

Après avoir écrit mon premier livre « Service compris », consacré à la qualité de service que les entreprises peuvent apporter à leurs clients et animé de nombreuses conférences sur le sujet, j’ai voulu tester mon aptitude à mettre en pratique dans une entreprise les idées que je prônais. Tout fonctionnait bien pour moi, alors j’ai décidé de me mettre en danger et tenté de réinventer un marché.

Mon idée de création m’apparaît, lors d’un voyage à New York, en observant le succès d’un café copiant le modèle Starbucks. Je parle de l’idée à mon associé, qui n’y croit pas mais qui accepte de m’accompagner. En 1994, nous ouvrons les deux premiers Columbus Cafés qui connaissent un échec. Nous étions convaincus que nous devions lancer le projet tout de suite, sous peine de nous le voir copier, et du coup nous sommes allés trop vite et avons mal choisi nos emplacements. Nous disposions d’assez gros moyens financiers que nous avons dépensés sans faire preuve d’une grande imagination. Ce n’est que plus tard, lorsque nous avons été confrontés à de graves difficultés financières, que nous sommes redevenus créatifs !

Quel était votre différence avec les autres ?

Je ne souhaitais pas simplement vendre du café, mais surtout offrir à nos clients les 15 meilleures minutes de leur journée, 15 minutes de bonheur. De la même manière, ma relation avec mes équipes et mes collaborateurs était beaucoup plus chaleureuse que si mon but était juste de gagner de l’argent. Au bout d’un an de pertes, j’ai failli abandonner. À ce moment-là, ce sont nos équipes de baristas qui nous ont soutenus, et non pas notre banquier qui nous assommait !

Le quotidien était ponctué de difficultés. Mais j’étais passionné par mon projet et j’arrivais à me raccrocher à l’enthousiasme de mon rêve resté intact. J’ai compris que, si l’on veut se sortir d’une période de crise, il fallait l’affronter de manière frontale et courageuse. Nous avons rebondi en fermant nos deux premiers cafés et en ouvrant des points de vente à la Fnac et dans l’agence de pub DDB.

Que s’est-il passé ensuite ?

Nous avons ensuite repris du poil de la bête et acheté des fonds de commerce qui ont très bien fonctionné. En 2001, une dizaine de points de vente Columbus existent et, pour développer l’entreprise qui continue à perdre de l’argent malgré sa forte croissance, je décide de faire appel à des investisseurs, ce qui a été ma grande erreur. Associé avec celui qui était alors mon ami à hauteur de 50 %, je deviens minoritaire dans le capital et ne suis plus chez moi dans cette entreprise. Nous ouvrons un magasin par mois et commençons à nous développer en Belgique et au Moyen-Orient. Des divergences stratégiques apparaissent avec les actionnaires, qui s’opposent à ma volonté de développer l’enseigne en franchise. J’écris « Bienheureux les fêlés » qui rencontre un vif succès, ce qui a pour effet d’attiser la jalousie de mon associé. En 2004, je suis débarqué de ma propre boîte par mon associé et mes actionnaires.
Ils changent les serrures de nos bureaux afin que je ne puisse plus accéder à mes dossiers et à quinze ans de vie professionnelle. L’aventure s’arrête là pour moi, violemment.

Je n’ai cessé depuis d’entreprendre et d’investir dans des start-up, et trouve toujours le même plaisir à innover et à prendre des risques.

Cette expérience ne vous a-t-elle pas dégoûté de l’entrepreneuriat ?

De l’entrepreneuriat non, mais de l’amitié en affaires et de certaines associations, oui. Dans cette aventure, j’ai peut-être perdu d’un point de vue financier, mais j’ai beaucoup gagné en maturité et en expérience. J’assume toutes mes erreurs et mes échecs et n’éprouve aucune rancoeur. Ce ne sont pas les difficultés qui déterminent si l’expérience est bonne ou pas. La question est de savoir si on avance en prenant du plaisir. Cela reste ma plus belle aventure professionnelle.

Comment avez-vous réussi à garder votre enthousiasme au milieu des difficultés ?

Ma conviction est que, quand on s’entraîne à l’adversité, on devient plus fort et on peut par la suite encaisser beaucoup de choses. Quand on vit dix années de difficultés, cela devient un style de vie. Alors, les mauvaises nouvelles font partie du quotidien et les bonnes, on en profite pleinement !
Un deuxième point : je ne sais pas faire les choses sans y mettre une grande ambition. Avec Columbus, je voulais devenir le numéro 1 du café. Lorsqu’on nourrit un grand rêve, les difficultés du quotidien semblent moins importantes. Je me disais que ce n’était pas si grave que cela d’être harcelé par mon banquier pour 10 000 euros de TVA puisque j’allais devenir le numéro 1 ! Avoir un grand but permet d’encaisser toutes les difficultés. Après, je pense que tout le monde n’est pas fait pour entreprendre. Certaines personnes ont une inclinaison naturelle à l’angoisse et risquent de mal vivre le stress lié à la création.

Que pensez-vous de l’entrepreneuriat en France ?

Je ne sais pas encore comment on va sortir de la crise, mais je pense qu’on va voir émerger de nouveaux modes de travail. L’entrepreneuriat sera une valeur en hausse dans les années qui viennent, en France comme ailleurs. Il existe une vraie énergie entrepreneuriale en France. Créer sa boîte est devenu facile et les risques liés à la création ont été dédramatisés. De toute façon, on prend des risques chaque jour dans sa vie, alors autant s’amuser ! Malgré les difficultés, on prend beaucoup de plaisir à créer son entreprise. C’est quand même un beau métier l’entrepreneuriat !

Les 5 conseils de Philippe Bloch aux entrepreneurs

  • Importer l’angoisse et exporter de l’enthousiasme.
  • Penser grand.
  • Ne jamais écouter celui qui vous explique pourquoi ça ne marchera jamais.
  • Être tenace, volontaire, faire confiance à ses équipes.
  • Ne jamais tout faire uniquement pour l’argent

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