Interview de Olivier Aizac, Cofondateur de Le Bon Coin

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Quel a été votre parcours jusqu’à la création de leboncoin.fr ?

Après une première expérience en Chine, j’ai rejoint l’incubateur de projets Internet Havas avec la mission d’aider les journaux à prendre le virage du web, ce qui était le gros défi de l’époque. Puis je suis passé sur le site de petites annonces Bonjour.fr. En parallèle j’ai lancé Modelo, un site qui proposait des modèles de lettres pour les particuliers. Cette expérience m’a permis d’apprendre à gérer et développer une société avec peu de moyens. C’est à ce moment là que les dirigeants de Schibsted, un groupe de presse scandinave, m’ont contacté pour développer en France un site qu’ils avaient lancé avec succès en Suède, Blocket. 

Pourquoi vous ont-ils choisi ? 

Ils cherchaient quelqu’un ayant une expérience du web, de la petite annonce et de l’international, tout en ayant une dimension entrepreneuriale. Même si ma tâche était de développer un projet au sein d’un groupe en étant salarié, j’étais tout de même dans une dimension entrepreneuriale : il nous a fallu tout construire de zéro en France, et nous n’étions pour cela que deux. 

Vous deviez partir de zéro : mais vous aviez déjà le produit ?

Nous héritions seulement du logiciel de notre grand frère suédois que nous devions complètement adapter au marché français. Nous avons par exemple fait le choix de nous développer sur l’immobilier ou sur l’emploi dès le départ, chose qui n’existait pas sur le site Blocket. Pareil pour le nom. Blocket, qui signifie bloc-notes en suédois, ne veut rien dire chez nous. Nous devions trouver un nom qui corresponde bien à l’esprit français. L’idée de prendre un nom typique de bistrot, qui parle de proximité et de convivialité s’est imposée naturellement.

Vous avez connu une croissance très rapide, était-ce facile à gérer ?

Lorsqu’une entreprise connait une croissance très rapide, le plus difficile est de s’assurer qu’elle ne perde pas son âme. L’objectif est de continuer à bien faire son métier, sans partir dans toutes les directions. Il faut aussi trouver ce qui fait la force de la société et qui explique sa réussite afin de ne jamais perdre cet élément. Lorsqu’on recrute constamment de nouvelles personnes, il faut faire en sorte que l’état d’esprit, la culture de l’entreprise persiste.Ça a été un vrai défi pour nous !

Et vous, comment avez-vous fait pour maintenir la culture d’entreprise en passant rapidement de 2 à 200 salariés ? 

Déjà nous sommes très attentifs aux profils que nous recrutons, au parcours d’intégration et à l’implication des équipes dans ce recrutement. Chaque nouvel employé doit avoir une vision globale de ce que l’on fait et de qui fait quoi pour que « la mayonnaise » prenne. Nous travaillons beaucoup en interne sur cet esprit d’échange, de proximité, que l’on infuse à tous les niveaux de l’entreprise et qui fait le succès de notre site.

C’est donc cela le secret de la réussite de leboncoin.fr ?

Oui, mais également sa simplicité d’usage. Sur le site, on trouve très facilement ce que l’on cherche, on contacte la personne directement, on se donne rendez-vous… Souvent, les sites Internet jouent sur le principe de l’intermédiation. Nous, au contraire, nous souhaitons redonner le pouvoir aux utilisateurs. Je pense aussi que leboncoin.fr répond à une nouvelle logique de consommation qui se développe avec la crise. La consommation a évolué, on est aujourd’hui dans une dynamique de solidarité et une envie de donner une seconde vie à des produits qui pourraient être simplement jetés.

Vous n’avez pas été tentés de copier les modèles d’eBay ou de Price Minister ?

Quand nous nous sommes lancés en 2006, c’était le début de la démocratisation du net, on passait au haut débit. Le corollaire est qu’Internet devenait accessible à tous. Donc nous avons tout de suite pris l’option de construire l’outil le plus simple possible, sans avoir à suivre des enchères, et en pouvant contacter le vendeur directement. Mais, mine de rien, c’est très compliqué de faire simple !
Comment votre rôle de dirigeant a évolué entre le moment où vous étiez deux et aujourd’hui ?
Ce n’est plus du tout le même rôle. A la base, j’ai fait à peu près tous les métiers de l’entreprise. Un des aspects le plus compliqué a été de devoir confier, et donc abandonner, certaines tâches que j’aimais faire. D’un rôle 100% opérationnel, je suis passé à une mission plus stratégique : je m’assure que tout est cohérent dans ce que nous faisons, je réfléchis à ce que nous allons faire ensuite, je porte la vision, je dialogue avec les actionnaires, les journalistes, les partenaires… Devoir abandonner l’opérationnel, ce qu’on croyait faire notre légitimité dans l’entreprise, n’est pas toujours évident.

Vous dites être inspiré par la méthode de management scandinave. En quoi est-elle différente ?

C’est un management où il y a beaucoup plus de proximité. Par exemple, lorsque le patron de Shibsted, qui est quand même un des dirigeants les plus puissants de la presse en Europe, vient parler aux équipes ici, il ne débarque pas avec tout son aréopage. Il cultive un rapport très simple avec les gens. C’est une culture plus pragmatique, très centrée sur les résultats et sur la définition d’objectifs.

Quel est votre moteur pour garder le même enthousiasme depuis 7 ans ?

Je pense déjà que le succès est dopant ! Se dire que tout ce que l’on met en place se concrétise par des choses très positives, forcément c’est plus motivant pour se lever le matin que si vous voyez que tout ce que vous entreprenez rate lamentablement ! Et puis nous participons à la création d’une économie plus durable, plus raisonnée. Le fait de collaborer ainsi à quelque chose qui a du sens apporte un formidable moteur au quotidien.

Votre meilleur souvenir dans l’aventure leboncoin.fr ?

C’est le plaisir de voir les équipes grandir, de voir que le projet n’est plus uniquement porté par moi mais par toute une équipe.

Et le moment le plus difficile ?

Il y a des coups durs dans la vie d’une société, des problèmes techniques, des gens qui partent, des crises médiatiques… On en fait toute une montagne avant mais, une fois que c’est passé, on se rend compte que ce n’était pas si difficile que ça, et l’on sait que, la prochaine fois, on pourra gérer. Parfois il y a des difficultés, mais on sait que, plus tard, ce sera oublié ou qu’on en rigolera !

3 Conseils

Croire à ce que l’on fait. 

Cette croyance en son propre projet représente le principal moteur de l’entrepreneur, il ne doit donc pas la perdre ! La conviction qu’un créateur d’entreprise a dans le potentiel de son projet sera sa principale force pour réussir.

Se remettre en question. 

Certes, il est bon d’avoir une conviction sans faille dans son projet, mais peut-être que celui-ci est totalement à côté de la plaque ! Il faut donc développer sa capacité à écouter ses utilisateurs, ses clients, constamment, afin de faire évoluer son projet dans le bon sens.

Eviter de se disperser. 

C’est le principal écueil dans lequel l’entrepreneur doit éviter à tout prix de tomber. Il faut rester concentré sur son sujet, et ne pas se précipiter sur plusieurs projets de développement en même temps, au risque de se perdre.

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