Interview de Laurent de Gourcuff, Fondateur du Groupe Noctis

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Interview de Laurent de Gourcuff, fondateur du Groupe Noctis, société spécialisée dans l’événementiel et propriétaire de 24 établissements dont une dizaine de boîtes de nuit, à Paris, à La Baule et à l’Ile de Ré. 

Quelle est la réalité du business dans les night-clubs ?

Vous dîtes « boîte de nuit » aux gens et ils s’imaginent tout de suite que c’est la mafia. Que vous vous promenez avec un cigare et trois entremetteuses au bras. C’est complètement faux ! Les années 80 sont terminées ! Je n’ai jamais été embêté par des bandits ni été approché de près ou de loin. Depuis 10 ans, j’essaie montrer que ce métier est une activité comme les autres. Avec du temps, les a priori commencent à bouger. à Paris, c’est secteur dans lequel n’importe quel entrepreneur peut tenter sa chance ! Je ne ferai pas ce boulot à Marseille ou en Corse…

Et vous l’avez commencé tôt !

J’étais un adolescent qui souhaitait gagner de l’argent et je m’amusais à monter des grandes soirées de 1 500 personnes pour m’éclater. à l’âge de 15 ans, je louais des salles le samedi soir avec des copains. Nous remettions chaque semaine en jeu ce que nous avions gagné. C’était du bricolage mais cela fonctionnait pas mal. Dans la mesure où l’entrée des boîtes de nuits n’est pas autorisée aux mineurs, nous étions à l’époque la solution alternative pour que les jeunes puissent sortir le samedi… J’ai fait cela jusqu’à l’âge de 21 ans, en même temps que mes études. Durant ces années, j’ai pu économiser entre 300 000 et 400 000 francs.

Comment se sont réalisées vos premières acquisitions, à la fin des années 90 ?

Nous avions constitué un fichier de clients qui correspondaient aux jeunes de notre âge, qui nous suivaient dans nos soirées et nous connaissaient personnellement. Je suis allé frapper à la porte de boîtes de nuit en leur disant : « Vous ne marchez pas trop. Moi j’ai des mecs qui me suivent depuis l’âge de 15 ans. Voulez-vous que je remplisse votre endroit ? ». Puis j’ai dit au gérant de l’établissement « Les Planches » avec qui nous travaillions : « Soit vous nous vendez, soit j’amène tout le monde ailleurs ». J’ai posé l’argent économisé comme mise de départ et le propriétaire nous a fait crédit sur le reste. J’ai répété l’opération et j’ai acquis d’autres lieux de la nuit à Paris et en province, jusqu’à l’âge de 30 ans où j’ai rencontré un accident de parcours.

Que s’est-il passé ?

Cela n’a rien à voir avec mon métier… Mais en deux mots, j’ai investi dans le business d’un vieux copain d’enfance qui m’a embarqué dans une histoire de dessin animé. J’ai emprunté de l’argent à des amis et à ma famille pour financer le rachat des droits télévisés et vidéo de Goldorak et de Candy pour les rééditer en coffret. ce fut un drame. Je ne suis pas reparti de zéro mais presque !

Vous vous remettez en selle en 2008. Comment est né le Groupe Noctis ?

J’avais gardé Les Planches et c’est à partir de ce lieu que j’ai créé Noctis Event en 2008. J’ai recommencé à acheter des lieux stratégiques comme le Brasil Tropical et le Redlight à Montparnasse. J’ai repris ensuite le Madam sur les Champs-élysées, Le Sens, Le Neo Club, Le Club Haussmann… La vision du Groupe se fonde sur le fait que le monde de la nuit ne marche que du jeudi au samedi soir. Il fallait trouver une solution pour faire fonctionner les établissements du lundi au mercredi.

Nous avons fait de ces lieux tout équipés des espaces événementiels la semaine. Nous n’avons plus cherché à acquérir seulement des clubs mais des lieux événementiels afin de les transformer le week-end en espace de soirée. Nous mélangeons les deux mondes. En 2011, nous avons racheté le célèbre cabaret russe Chez Raspoutine. Et jusqu’en 2014, le portefeuille de lieux du Groupe n’a cessé de s’agrandir avec le Pavillon Champs élysées, le Pavillon Daunou, la création du restaurant Monsieur Bleu au Palais de Tokyo, l’acquisition de Castel…

Comment choisissez-vous vos nouveaux lieux ?

Les agences immobilières, à force, ont compris ce que nous cherchions et nous les proposent. Nous voulons des lieux avec des sorties de secours, qui peuvent accueillir du public et qui ne sont pas situés dans des immeubles d’habitation. Mais honnêtement, à moins de trouver quelque chose d’exceptionnel, je n’achèterai plus de club à Paris.

Je préfère plutôt développer l’événementiel et les restaurants atypiques comme Monsieur Bleu. Les villes qui m’intéressent aujourd’hui sont Londres, Miami ou Dubai… Surtout Dubai, car il n’y a aucune taxe. Nous avons réussi deux levées de fonds dont la dernière date de quelques mois à peine. La Caisse des dépôts a pris des participations dans notre capital à hauteur de 17 % ! C’est un petit miracle, surtout quand on sait que nous possédons une dizaine de boîtes de nuit. Je suis toujours l’actionnaire majoritaire du groupe à 68 %. J’ai également 2 associés : mon petit frère et Jennifer Johns, une ancienne banquière d’affaires de chez Rothschild qui m’a aidé à structurer les levées de fonds.

Est-ce que vous songez à vous développer à l’international ?

On m’a demandé à plusieurs reprises des licences que j’ai toujours refusées parce que je n’avais pas le bon feeling avec l’interlocuteur que j’avais en face. Le nerf de la guerre pour aller à l’étranger, c’est d’avoir les lieux et les bonnes personnes sur place. Personnellement, je tourne le soir jusqu’à 2h du matin pour observer comment cela se passe dans mes établissements. Et je traîne même jusqu’à 4h30 le vendredi, ce qui ne m’empêche pas d’aller au bureau le lendemain à 9h. Il est primordial de se déplacer physiquement et de constituer une bonne équipe.

Comment vous aérez-vous l’esprit ?

Deux choses me sauvent la vie. J’habite dans une maison de campagne à 45 minutes de Paris, au bord de l’Eure, avec mes chiens, mes lapins, mes poules et mes lamas. Et je monte sur mon bateau dès que je peux. D’ailleurs, j’aimerais bien, à terme, trouver une péniche pour y habiter…. Je ne suis pas du tout quelqu’un qui vit la nuit ! Je n’ai jamais bu une goutte d’alcool de ma vie, ni fumé, ni pris de la drogue. Cela fait rire tous mes amis mais j’aime la nature, la mer et la campagne. Je suis un peu un extraterrestre dans ce métier !

Je ne suis pas du tout quelqu’un qui vit la nuit ! Cela fait rire tous mes amis mais j’aime la nature, la mer et la campagne.

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