Interview de Farid Mokart, cofondateur de l’agence Fred & Farid, qui a su se développer à l’étranger pour devenir aujourd’hui le premier groupe français indépendant de créativité digitale.
Quel parcours avez-vous suivi étant plus jeune ?
Après un master spécialisé dans le commerce extérieur puis un parcours à Sciences Politiques et un DEA de stratégie industrielle, je suis entré dans une agence de communication. C’est là-bas que j’ai rencontré Fred. Il occupait à l’époque le poste de planneur stratégique. Quant à moi, j’officiais comme commercial. Mais nous n’étions pas à notre place dans notre travail. Nous avons donc décidé de nous lancer dans la création. Très rapidement, nous sommes devenus les plus jeunes directeurs de création en France.
C’est à ce moment là que vous décidez de monter votre entreprise ?
Nous avons vécu d’autres expériences professionnelles auparavant. Après plusieurs prix décernés pour nos campagnes de communication, nous avons d’abord été débauchés par l’agence BBH à Londres. Nous travaillions alors sur le lancement des consoles de jeux Xbox. Puis nous avons été embauchés à San Francisco dans l’agence digitale n°1 aux États-Unis. Au bout de quatre ans et demi, un groupe nous a demandé de rentrer en France. C’est alors que nous avons lancé l’agence Marcel qui existe encore aujourd’hui. Dix huit mois après, nous avons créé la marque Fred & Farid.
Était-ce important de mener ce projet à deux ?
Lorsque l’on a la possibilité de travailler avec son meilleur ami, c’est toujours plus facile de se lancer dans une aventure entrepreneuriale. Nous partageons les mêmes valeurs de l’entreprise donc nous devions mener ce projet commun, c’était en quelque sorte un passage obligé.
Avez-vous changé votre manière de manager depuis la création de votre entreprise ?
En dessous de cent salariés, l’entreprise fonctionne à l’énergie et à la passion. Notre mode de management suivait un modèle horizontal au sein duquel tous les collaborateurs demeurent au même niveau hiérarchique. Au-delà, il faut commencer à structurer un minimum les processus. C’est ce que nous avons fait. Mais nous avons la chance d’avoir des collaborateurs talentueux qui nous suivent depuis l’aventure Marcel. Nous avons également accueilli beaucoup de nouveaux membres dans la famille Fred & Farid.
Quel regard portez-vous sur le secteur de la création ?
Cela dépend du point de vue. À l’étranger, la communication a totalement changé. Il y a cinq ans, nous parlions de révolution digitale. Aujourd’hui, notre mode de vie, nos usages, nos comportements, tout demeure digitalisé, c’est un fait. Il en va de même pour notre métier, comme pour les marques que nous accompagnons. À l’international, les entrepreneurs ont pris en compte ce changement. La France reste encore dans une période de transition et c’est dommage. Mais il s’agit d’une époque fascinante. Il existe un très bel écosystème de start-ups, de créations d’entreprise, de nouveaux talents qui émergent autour du digital depuis quelques années. Ces nouveaux acteurs représentent une vraie source de collaboration et d’influence pour qui demeure suffisamment intelligent et comprend le monde dans lequel nous vivons.
Cela a-t-il changé la façon d’aborder un projet publicitaire ?
Complètement ! Avant, la communication consistait à raconter une histoire. Aujourd’hui, cette histoire représente juste le point de départ. Le plus intéressant reste l’écho que vous réussirez à faire passer auprès de votre audience. Lorsque nous acceptons une problématique, nous ne pensons pas aux supports sur lesquels nous allons axer notre travail. Ce qui nous intéresse, c’est la propagation du message et les conversations que cela va générer. La véritable créativité provient de cette caisse de résonnance.
S’agit-il de faire le buzz ?
Nous ne nous levons pas le matin en nous disant que nous allons faire le buzz. Cela ne fonctionne pas de cette manière. Une campagne réussie découle au contraire d’un long travail, bien pensé en amont. Si l’on prend l’exemple de la blague Carambar (la marque avait fait croire qu’ils arrêtaient les blagues, ndlr), il s’agit en effet d’un buzz. Mais ce dernier reste bâti sur une réalité. La marque avait oublié qu’elle pouvait faire rire les gens et que sa communication pouvait être le reflet de son produit. Si une campagne de communication devient un sujet de conversation, c’est que nous avons bien fait notre métier.
Quelles sont les qualités d’un bon publicitaire ?
Les gens n’attendent rien de la publicité. Pour eux, il s’agit d’un moment forcé. Tout notre art consiste à le transformer en un instant agréable. Pour cela, il faut les surprendre en leur transmettant une émotion particulière qui suscite le débat. En ce sens, le décalage devient nécessaire. Il faut acquérir des qualités d’observation et comprendre le monde dans lequel nous vivons, qui est à la fois physique et virtuel. Le digital fait partie intégrante des transformations de notre société. Les gens vivent de manière connectée en permanence. Je ne conçois pas l’avenir de la publicité sans la prise en compte de cette thématique. Le communicant doit toucher à cette ubiquité que possèdent les gens auxquels il s’adresse.
Quels sont les clés de la réussite de Fred & Farid ?
L’entreprise s’est construite sur la prise de risque. Nous l’assumons. Réussir devient plus facile quand la peur du risque ne constitue pas un frein au développement de la société. De fait, nous nous posons moins de questions que les autres. S’ajoute à cela le fait que nous exerçons ce métier par passion. Il est toujours plus facile de se développer lorsque l’on réalise des choses que l’on aime plutôt que de se trouver contraint de les faire.
Comment conciliez-vous vie personnelle et professionnelle ?
Nous possédons tous les deux des femmes exceptionnelles qui comprennent ce que nous faisons et qui savent nous accompagner et nous y encourager. Elles nous ont toujours soutenus et détiennent de l’influence sur ce que nous construisons. Vous savez, la vie ressemble à une table de mixage. Et c’est parce que nous mixons vie professionnelle et personnelle que nous parvenons à l’harmonie !
les Conseils de Farid Mokart
- Être convaincu de son projet et de l’utilité de le faire. Vous devez également prendre du plaisir dans ce que vous réalisez. Si vous n’en avez pas, construisez-le !
- Savoir s’entourer. Parce que le talent, c’est aussi celui des autres !
- Voir les choses en grand. Il ne faut jamais perdre de vue cet objectif. Même si vous constituez une petite structure, vous devez être ambitieux. Cela vous aidera à avancer.
- Voir plus loin que son quotidien. Il faut s’ouvrir sur l’idée que nous vivons dans un monde où il n’existe plus de distance.
- Se projeter dans l’avenir. C’est toujours important de visualiser le point d’arrivée.
- Ne pas s’enfermer dans des particularismes et des préjugés locaux. Cela vous bloquera et vous empêchera d’avancer.