Interview de Catherine Barba, Fondatrice de Cashstore et Malinéa

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Entretien exclusif avec Catherine Barba, pionnière du Web en France, créatrice d’entreprises, business angel et administratrice de start-ups innovantes.

Quel est votre parcours personnel ?

Après des études en classe préparatoire littéraire, j’ai intégré l’ESCP Europe. J’ai effectué mon stage de fin d’études aux états-Unis en 1995. J’y ai observé les prémices de l’usage du numérique au quotidien, car tous utilisaient déjà des adresses e-mails. à mon retour en France, j’ai rédigé mon mémoire sur l’arrivée d’Internet en France et son impact sur la lecture de la presse. Je me suis inscrite à un concours, organisé par le syndicat de la presse, et j’ai gagné le 1er prix ! La présidente du jury, Viviane Prat, dirigeait alors OMD, une importante entreprise qui faisait partie du groupe Omnicom. Elle m’a approchée et a souhaité que je crée un département Internet chez eux. C’était une mission « d’intrapreneuriat » en quelque sorte. L’explosion d’Internet nous a permis de multiplier très rapidement nos effectifs jusqu’à atteindre 40 collaborateurs au moment où je suis partie.

Qu’avez-vous réalisé ensuite ?

J’ai croisé la route de Marc Simoncini en 1999, car j’avais fait une campagne de publicité sur son site iFrance. Il m’a alors proposé de devenir directrice générale, ce que j’ai accepté. Le site a été racheté par Vivendi quelques mois plus tard, pour un milliard de francs. L’intégration dans le groupe Vivendi m’a fait prendre conscience que je n’étais définitivement pas faite pour travailler au sein de grandes structures. Je suis restée directrice générale jusqu’en 2003.

Comment est venue l’idée de votre première entreprise ?

J’étais alors en congé maternité, période pendant laquelle j’ai réalisé énormément de veille, en particulier dans le domaine de l’e-commerce, un secteur naissant à l’époque. J’avais plus précisément repéré un système économique qui fonctionnait bien aux états-Unis, le cashback, qui désigne aujourd’hui un système de réduction sur les achats en ligne, avec un remboursement effectué directement au consommateur, généralement sur un compte distinct. J’ai vu que le modèle fonctionnait bien et je me suis dit qu’il fallait que je me lance là-dedans. Je me suis entourée de personnes qui savaient gérer l’aspect technique et financier. En 2004, nous nous sommes lancés à plusieurs associés dans l’aventure. C’est le début de l’entreprise Cash Store.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer ?

Au cours de mes expériences professionnelles, j’ai travaillé au contact d’entrepreneurs. J’ai pu ainsi observer le quotidien de gens très libres, qui ne s’embêtaient pas avec les hiérarchies. Par mimétisme, j’ai créé ma première boîte. J’ai eu de la chance, car j’ai bénéficié du regard bienveillant de nombreuses personnes, particulièrement parce que j’étais une femme. Je n’ai jamais ressenti le machisme dans le milieu professionnel, j’ai été au contraire très accompagnée. On m’a donné confiance en moi et en mes projets. L’amour dont j’étais entourée m’a fait prendre conscience que l’échec ne constituait rien de grave.

Comment se sont déroulés les débuts de l’aventure Cash Store ?

Le commencement est très galvanisant, on se réjouit d’un rien. Tout est susceptible de se transformer en une petite victoire. Mais j’ai fait une erreur, car je croyais que l’on pouvait installer une marque sans la financer. Je ne voulais pas lever des fonds… Il s’agissait d’un beau fantasme ! Je voyais bien le montant des charges salariales ainsi que le prix des locaux… mais aucun chiffre d’affaires ne rentrait ! J’ai vraiment vécu des moments angoissants à cette époque.

Comment avez-vous fait pour vous relancer ?

Une nuit, j’ai eu l’idée de créer une deuxième entreprise, pour venir supporter la croissance de la première. Cash Store gagnait de l’argent comme apporteur d’affaires, c’est-à-dire qu’on me rémunérait pour envoyer de nouveaux clients chez les e-marchands. Le problème, c’est que les visiteurs ne se convertissaient pas, ou peu, en acheteurs… Il fallait donc que je crée une agence pour améliorer les taux de conversion sur les sites e-commerce. Je suis allée voir un ami pour lui demander de m’acheter une mission d’audit de son site. J’ai acquis progressivement des dizaines de clients au fil des années, jusqu’à vendre Cash Store à eBuyClub en 2010 et Malinea, ma seconde entreprise, à vente-privee.com en 2011. J’ai passé un an dans les locaux de vente-privee avant de partir deux mois aux états-Unis avec mon mari et ma fille pour faire un break.

Quelles leçons avez-vous tirées de ce voyage ?

Je me suis rendu compte à quel point les boutiques américaines possédaient de l’avance en matière de stratégie online/offline. En analysant cela, j’en ai conclu qu’il fallait que je mette mon expérience au service des commerçants en France. à mon retour, j’ai sorti le livre « Le magasin n’est pas mort ». De nombreuses sociétés m’ont par la suite sollicitée afin que je partage mon expérience, car mon ouvrage faisait écho à l’évolution numérique du commerce. Ce thème est d’ailleurs devenu l’objet de CB Group aujourd’hui. Je prêche la bonne parole, pour rassurer les magasins. Je leur montre que le commerce évolue et qu’ils doivent intégrer le digital dans leur stratégie. Le reste du temps, j’investis dans des start-ups comme Leetchi, So Shape, Recommend, Trendsboard…

Vous faites partie de la famille des business angels, vous êtes une femme engagée sur le terrain associatif et sur la mise en valeur des entrepreneurs. On ne vous arrête plus ?

J’aime beaucoup le côté transmission, je trouve cela important. J’adore croiser la route de jeunes de 25 ans qui viennent me voir avec un business plan pour changer le monde. J’aime cette France énergique qui se bouge, qui croît en elle. J’essaye modestement de contribuer à ce que le regard sur l’entrepreneuriat soit positif. Je suis membre de l’association 100 000 Entrepreneurs, avec laquelle je vais m’exprimer dans les écoles. Je suis devenue marraine de l’Association « Nos quartiers ont des Talents » et de « Joséphine pour la beauté des femmes ». J’ai sorti un programme TV sur M6 qui s’intitule « Entreprendre c’est grandir », dont la saison 2 s’annonce prochainement. Je co-organise enfin la journée de la femme digitale. J’adore cette idée de mixité, de richesse de points de vue et d’histoires. Je me dis que le regard changera si les gens comme moi réalisent des choses.

Quels conseils donneriez-vous à un créateur d’entreprise ?

Je lui dirais de s’entourer de personnes compétentes, qui connaissent leur métier et qui vous complètent. Je conseillerais également de rester toujours curieux et d’être conscient que le business va forcément pivoter. Il ne faut pas le considérer comme un échec, mais il faut accepter avec humilité de faire évoluer son modèle. Enfin, garder les yeux rivés sur les clients me semble primordial, car ce sont eux qui font le business !

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