Interview de Frédéric Utzmann, Cofondateur de CertiNergy

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Entretien exclusif avec Frédéric Utzmann, cofondateur de l’entreprise CertiNergy, société de services en efficacité énergétique, qui a connu une croissance fulgurante en moins de 10 ans.

Comment en êtes-vous arrivé à l’entrepreneuriat ?

Mes parents étaient médecins libéraux, ce qui constitue un élément important de la construction de mon ADN. Au même titre qu’un artisan ou un commerçant, ils ont joui d’une liberté professionnelle associée à de grandes responsabilités. C’est pourquoi il demeurait important pour moi de trouver un projet qui me permette également de retrouver cet équilibre entre la liberté d’agir et la responsabilité dans les tâches que l’on accomplit. Je fais également partie d’une génération qui a observé l’explosion de la bulle internet et le boom des créations d’entreprises dans le domaine du numérique. J’ai regardé tout cela alors même que je réfléchissais à mon avenir professionnel. Cela m’a certainement influencé pour me lancer !

Quel a été votre parcours ?

Je suis diplômé de Polytechnique, puis d’HEC, dont je suis sorti en 2004 pour intégrer la direction stratégique du Groupe Saint-Gobain. J’y ai passé environ un an, puis j’ai évolué au sein du groupe pour travailler sur le projet « Nova », qui consistait à développer l’innovation, notamment en améliorant les relations de l’entreprise avec les start-up et PME innovantes. Cela m’a rapproché à nouveau du monde entrepreneurial. J’ai pu rencontrer de nombreux créateurs et j’ai observé un fourmillement d’idées incroyables. Dans la mesure où je faisais l’interface entre les start-up et le groupe, je pouvais observer les avantages et les inconvénients de chaque côté. Et j’avais le sentiment que mon histoire personnelle allait plutôt évoluer du côté des start-up que des grands groupes… 

Vous avez lancé votre boîte, Certinergy, en 2008. Quelle a été la genèse de l’aventure ?

Le Grenelle de l’environnement se tenait en France et j’étais relativement convaincu qu’il existait des opportunités dans le domaine de l’efficacité énergétique. En travaillant sur le sujet, je me suis intéressé à une nouvelle réglementation que peu de gens connaissait : le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE). Dans la mesure où ce dispositif semblait intéressant et efficace mais très méconnu, je me suis décidé à lancer une activité de conseil afin d’aider les gens à mieux l’utiliser. Par hasard, la même année, j’ai rencontré un jeune cadre de Saint-Gobain, Edouard Jounet, qui désirait créer une entreprise sur le même sujet ! Il avait 24 ans, j’en avais cinq de plus. Nous avons décidé de nous lancer ensemble dans l’aventure.

Quelle a été votre stratégie de développement ?

Comme nous étions de jeunes créateurs, nous avons axé notre développement de deux manières. D’abord, nous voulions rapidement nous tourner vers les clients. Il s’agit d’une des leçons fondamentales que j’ai retenue de mon expérience chez Saint-Gobain. L’important reste de coller au besoin de ses clients et pas nécessairement de développer ce que l’on imagine être la meilleure solution. Il faut facturer ses services rapidement !

Si des clients payent pour ce que vous faites, c’est que votre projet semble sur la bonne voie. Nous avons rapidement vendu des certificats d’économies d’énergie et des missions de conseil. Ensuite, il a fallu nous entourer d’un comité stratégique, constitué de personnes plus expérimentées qui pouvaient nous aider à mûrir le projet. Côté financement, nous avons levé 600 000 € au bout de six mois, ce qui nous a permis de rassurer les clients, les partenaires et les premiers collaborateurs sur la stabilité de la boîte. L’année suivante, nous avons effectué une seconde levée de fonds d’un montant identique. 

Comment continue-t-on à cultiver l’esprit start-up lorsqu’on devient une eti ? 

Aujourd’hui, l’entreprise est constituée de nombreuses équipes de 5 à 70 collaborateurs, qui répondent chacune à des problématiques différentes en fonction des clients. Nous avons réussi à absorber la croissance de la société en diversifiant nos offres. Agir ainsi nous a également permis de conserver une dynamique entrepreneuriale très forte au sein de la société. Nous avons constamment maintenu cette dose d’agilité, de réactivité, d’envie et d’appétit pour la croissance. Dans un second temps, nous avons profondément structuré l’entreprise, en embauchant des personnes au sein de différents services comme les finances, l’informatique, la communication ou les RH. Nous avons fortement investi pour mettre en place ces équipes qui soutiennent le développement du reste de l’entreprise. Cette forte structuration, associée à l’appui de partenaires commerciaux externes qui soutiennent notre développement, ainsi qu’à l’engagement et l’implication de nos équipes constituent les trois éléments clés de notre forte croissance. 

Le secteur de la performance énergétique est-il une passion ? 

La défense de l’environnement me touche, bien sûr, comme tout le monde je suppose. Ce qui me motive principalement, c’est le gaspillage économique que représente l’inefficacité énergétique. Il existe encore de nombreuses usines dans lesquelles nous pourrions mener de simples projets qui pourraient stopper ce gaspillage ! Il en va de même pour les ménages. Par exemple, lorsque des particuliers changent une chaudière chez eux, il est important d’en acheter une performante immédiatement, au risque que cela leur coûte beaucoup plus cher dans 20 ans, au moment de la changer à nouveau… Ce sont autant d’occasions manquées dans le domaine que je trouve inacceptables. Mais si globalement j’aime ce secteur, c’est plutôt l’entreprise qui constitue ma passion première. J’apprécie le fait de développer mon activité, créer de l’emploi et satisfaire mes clients. Le secteur dans lequel j’ai entrepris m’intéresse évidemment, mais mon moteur principal se situe clairement du côté de l’entreprise. 

Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie personnelle ? 

La vie professionnelle fait partie de la vie personnelle pour tout entrepreneur. En ce qui me concerne, les deux sont imbriquées. Bien sûr, quand vous êtes passionné par votre projet, ce dernier déborde facilement sur la vie personnelle, d’autant plus si vous travaillez dans une boîte en forte croissance. C’est mon cas : je travaille beaucoup ! Je me dis en permanence que tout ira mieux dans un an, mais l’année d’après, j’ai toujours de nouvelles choses à réaliser. 

Quelles sont vos perspectives pour les prochaines années ?

Le secteur de l’énergie est en plein bouleversement. Avant, nous parlions électrons, molécules, gaz et production d’énergie. Aujourd’hui, on bascule dans le monde du service, de l’accompagnement, de l’efficacité et de la flexibilité. à titre d’exemple, E-On, l’entreprise Allemande équivalente à EDF a annoncé début 2015 qu’elle allait se séparer de ses activités de production d’électricité pour se concentrer sur les services énergétiques et le renouvelable. C’est une tendance très lourde du secteur ! S’ajoute à cela le fait que les attentes du consommateur changent. Ils veulent être accompagnés et désirent consommer moins, mieux et moins cher. Pour une entreprise comme la nôtre, cela représente des nouvelles opportunités de business colossales. J’attends cela avec envie et excitation. 

3 Conseils de Frédéric Utzmann

  • Agissez plutôt que de trop réfléchir ! Un des maux français est de parfois vouloir faire les choses trop bien ou d’attendre d’avoir tout compris avant de se lancer. Il ne faut pas hésiter ! Ce qui fait la différence, particulièrement au début d’une aventure entrepreneuriale, c’est la rapidité d’action.
  • Acceptez de changer d’idée en cours de route. J’ai rencontré de nombreux porteurs de projets qui se posaient trop de questions sur leur idée. Je ne crois pas que les entreprises qui réussissent aujourd’hui ont débuté avec la bonne idée en tête. Ayez conscience que l’on apprend en faisant et en écoutant ce que les consommateurs disent autour de nous. 
  • Facturez vos clients rapidement. Cela va permettre de financer le développement de votre boîte et vous indiquer les services qui fonctionnent et ceux qui ne marchent pas. 

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