Une réussite sans lever de fonds !

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Interview de Pierre Leroux, solopreneur et fondateur de l’EdTech Lemon Learning. Créée en 2014, l’entreprise connaît aujourd’hui une croissance exponentielle et a déjà décroché 5 M€ de CA.

Quand vous est venue l’idée de votre création ?

L’idée m’est venue en 2014. J’étais passionné par tout ce qui était lié à la formation, à l’accompagnement. J’ai découvert qu’il y avait un véritable enjeu à aider les gens à bien utiliser leur logiciel, enjeu qui est toujours actuel. C’est ainsi que l’idée Lemon Learning est née. Avec Lemon Learning, nous permettons à nos clients d’améliorer la partie support logiciel, la formation et également les données Short-Term Data, en nous intégrant directement dans le logiciel. Nous y mettons une surcouche qui propose des contenus : bulles d’aide ou d’actualités, guides interactifs… Aujourd’hui, nous avons même ajouté une fonctionnalité qui automatise certains processus. Nous sommes là pour accompagner et faire en sorte que nos clients profitent au maximum de leur logiciel.

Est-ce que cela a été tout de suite facile d’arriver à capter l’attention des grands groupes ?

Oui, parce que nous avions ce côté effet « waouh » quand ils voyaient la démo. C’est quelque chose qu’ils ne connaissaient pas du tout, qui est très innovant. Même encore aujourd’hui, lorsque nous nous présentons à des clients potentiels, il y a toujours cet effet « waouh » qui fait plaisir, parce qu’ils en distinguent tout de suite l’intérêt et que cela va leur être très utile. Or, si vous gardez l’approche un peu traditionnelle qui est de mettre en place des vidéos de e-learning ou des modes opératoires, personne ne va aller les consulter. En moyenne, le taux de consultation de ce type de contenu est autour de 5 % alors qu’avec notre solution, il y a des fonctionnalités qui permettent d’être interactif et d’avoir plutôt un taux autour de 80 % de consultations du contenu.

C’est énorme comme différence. Quelles ont été les grandes étapes depuis le début ?

La première étape a été de créer un premier prototype du produit et ensuite d’aller rencontrer les premiers clients. Ils en constataient la valeur, mais ils ne sont pas tous devenus clients tout de suite ! Il a fallu développer la solution. Ensuite, une autre grande étape, une fois que nous avons eu nos premiers clients, a été de structurer les différentes équipes. Il a fallu créer un pôle commercial, un pôle services clients et un pôle développement structuré.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de développement, non plus en France car nous sommes leader sur le marché français, mais sur le marché international (notamment en Allemagne et au Royaume Uni). Nous sommes également dans une phase de développement de produits. En effet, nous avons lancé des fonctionnalités qui permettent d’automatiser certains processus, comme je le disais, dans les logiciels. Nous souhaitons aujourd’hui ajouter une couche d’IA à notre solution pour en exploiter tout le potentiel. Nous entrevoyons vraiment beaucoup de cas d’usage qui pourraient se révéler très pertinents pour nos clients.

Il y a eu une grande phase de développement en amont ?

Oui, au départ, nous avions une version du produit qui était limitée. Nous n’avions qu’une seule fonctionnalité, celle des guides et nous les réalisions d’ailleurs presque à la main. Au fur et à mesure que nous avions de nouveaux projets, nous avons ajouté des fonctionnalités. C’est quelque chose qui s’est construit de façon assez itérative et qui est aussi liée au fait que nous nous sommes autofinancés.
Depuis quand a commencé la nouvelle phase ?
La phase internationale a commencé depuis deux ans et la phase de R&D sur l’IA a commencé cette année en septembre.

Quels vont être les plus grands défis à venir ?

Ce n’est peut-être pas un défi mais c’est parvenir à réaliser le travail nécessaire notamment en termes d’IA. Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui, il y de nombreuses recherches en cours en la matière. Pour moi, la vraie révolution que l’IA nous a apportée, notamment ChatGPT, c’est une révolution d’usage plus que de technologie. Beaucoup de ces technologies existaient finalement déjà. C’est juste que nous n’en comprenions pas la portée, nous ne les appliquions pas ou nous n’y prêtions même pas attention. Or, il a montré son fort potentiel et nous a donné confiance dans le fait d’investir dans ces technologies. Aujourd’hui, je suis serein sur le fait que nous allons y parvenir et c’est pour cela que ce n’est pas forcément un véritable défi.

« Beaucoup de ces technologies existaient finalement déjà. C’est juste que nous n’en comprenions pas la portée, nous ne les appliquions pas ou nous n’y prêtions même pas attention. »

Quel va donc être le plus grand défi ?

Je pense que le plus grand défi va être de pouvoir avancer très rapidement sur tous les marchés internationaux, parce que nous nous confrontons à d’autres cultures. C’est également de réussir à réaliser les bons recrutements et de bien les manager. Donc là, nous touchons à l’humain et, l’humain, nous n’avons pas encore trouvé l’intelligence qui allait résoudre tous les sujets qui lui sont liés.
Quel a été le plus grand défi depuis le début ? Qu’est-ce qui vous a causé le plus de difficultés ?
Ce qui me vient là en tête, c’est que quand on exerce un métier d’éditeur logiciel, il faut vraiment être expert dans de nombreux métiers. Il faut être expert sur la partie technique, sur la partie commerciale, sur la partie client, sur la partie financière… Finalement, le métier d’éditeur logiciel, c’est un métier qui apporte des satisfactions mais qui est exigeant à tous les niveaux. Le SaaS, c’est très satisfaisant car cela permet de réaliser de belles croissances et des modèles économiques judicieux, mais c’est aussi un métier prenant.

Vous avez réussi, ce qui est assez rare aujourd’hui, à ne pas lever de fonds et vous n’avez pas eu ce besoin ni cette envie ?

En effet, nous n’en avons pas fait. Nous avons eu une approche qui est un peu différente. Si vous avez une trajectoire que vous voulez autofinancer ou une trajectoire que vous voulez financer de manière externe, je pense que vous devez appréhender les choses différemment. Cependant, si je m’étais comporté comme une société qui avait levé des fonds, je pense que je n’aurais pas tenu longtemps. En effet, il y a le côté itératif que nous avons cité, c’est-à-dire que nous avons construit au fur et à mesure. Nous avons ajouté à chaque fois un peu plus de R&D dans la solution et nous avons recruté avec un rythme qui est continu, soutenu, mais surtout continu.
De nombreuses décisions initiales ont affecté notre manière d’avancer comme la rencontre avec des grands groupes ou le fait que nous sommes axés sur des contrats annuels. Cela a permis de financer l’activité conformément à son évolution et nous n’aurions pas forcément agi de la même manière sans ce parti pris. Également, nous avons eu la chance que les banques nous aient fait confiance, au début de l’aventure notamment, ce qui a permis de financer une partie des investissements nécessaires.

Il me semble que dans votre parcours, vous aviez déjà été entrepreneur ?

J’ai suivi des études d’ingénieur et j’ai un master entrepreneur à HEC. J’ai créé la société à l’issue de mes études et pendant mes études. Cependant, j’avais, en effet, déjà créé des startups. J’avais vendu de la prestation informatique et même créé une startup dans le domaine des pizzerias. C’est un domaine que j’affectionne particulièrement, la pizza, la gastronomie. Cela n’a pas été des succès fracassants parce que créer son entreprise à côté de ses études, ce n’est pas simple.
Mais par contre, cela m’a donné des leçons majeures qui m’ont permis de gagner du temps sur mon aventure. Je ne suis pas sûr que j’aurais réussi à créer cette entreprise si je n’avais pas eu ces premières aventures entrepreneuriales, si je n’avais pas appris les bases du développement informatique ou du marketing avant de me lancer.

Dans combien de pays êtes-vous présent aujourd’hui ?

Aujourd’hui, Lemon Learning est présent dans 35 pays avec ses clients. Après, nous sommes implantés dans tous les pays dans lesquels sont nos clients. En effet, nous avons des projets, par exemple, qui sont en 25 langues. Nous sommes actifs dans de nombreux pays, notamment via nos clients internationaux. Étant donné que beaucoup des sociétés, de grands groupes sont installés à l’international, nous sommes en conséquence très implantés dans les différents pays d’Europe.

Il y a eu une accélération entre 2018 et aujourd’hui, puisque vous étiez à 10 clients, maintenant 120, qu’est-ce qui l’explique ?

Pour moi, une société, c’est une courbe exponentielle. Si nous grossissons de 20 % quand nous sommes 10 nous sommes deux fois plus à la fin de l’année. Si nous grossissons de 10 % quand nous sommes 100, cela fait 10 personnes de plus. C’est un exemple. Quand vous êtes sur une certaine taille de société, tout va beaucoup plus vite et vous bénéficiez aussi de ce que vous avez bâti dans le passé. Au début, je pense que la société se cherche beaucoup, mais une fois qu’il y a un modèle, ce modèle ne fait que s’améliorer et la société acquiert davantage de valeur.

Vos salariés sont présents à l’international ou principalement en France ?

Nous avons choisi d’avoir des équipes assez internationales, mais très basées en France. Même nos pôles internationaux sont dans nos locaux en France. Ainsi nos équipes ne se sentent pas isolées. Il est donc plus facile pour nous de créer un sentiment d’appartenance à une équipe, de pouvoir bénéficier de la collaboration entre les équipes, qu’il y ait des apprentissages entre des équipes structurées en France et des équipes en constitution dans d’autres pays.

Quelles sont les grandes valeurs de l’entreprise ?

Les grandes valeurs, c’est d’abord l’innovation. C’est au cœur de notre ADN ainsi que le sens du service client et l’ambition.

3 Conseils de Pierre Leroux

  1. Passer au moins la moitié de son temps tourné vers l’extérieur. Cela peut être de passer du temps avec ses clients, avec ses prospects potentiels et prendre son téléphone, ce qui fait que nous apprenons rapidement.
  2. Avoir un bon suivi de ses chiffres. C’est un conseil issu de l’expérience de tous ceux qui ont accompagné des startups et qui nous disent souvent que « les startups qui ne réussissent pas, ce sont souvent des startups qui n’ont pas de chiffres ». Un bon pilotage permet de corriger le tir quand il y a des soucis.
  3. Ne pas hésiter à être ambitieux sur la partie technique du produit et sur les fonctionnalités. Parce que c’est ce qui fait que nous avons un avantage compétitif, notamment face à des acteurs importants, avec lesquels nous pouvons être amenés à être en compétition.

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