Après un parcours traditionnel en école de commerce, Mickaël Cabrol entre à Lyon en école de commerce et se lance dans la création d’entreprise dès son parcours étudiant, d’abord avec Geolid puis, plus récemment, Easyrecrue. Entretien.
Comment êtes-vous arrivé à l’entrepreneuriat ?
J’ai un parcours plutôt traditionnel. Après deux ans passés en classe préparatoire économique effectuée à Toulouse juste après le Baccalauréat, en 2004, j’ai intégré l’école de commerce de Lyon (EM Lyon). Pendant mes études là-bas, je suis devenu président d’une association qui éditait Le Petit Paumé un guide local décrivant les meilleurs restaurants de la région. Pendant cette période, j’ai travaillé avec Gautier et Guillaume, qui sont devenus plus tard mes associés chez Geolid. Concrètement, notre activité consistait à démarcher commercialement les restaurants, bars et boîtes de nuits de la région pour leur vendre des encarts publicitaires dans notre guide. En démarchant ces commerçants, nous nous sommes aperçus que ces enseignes ne possédaient pas forcément de présence sur internet.
Est-ce partant de ce constat qu’a débuté l’aventure Geolid, en 2007 ?
Tout à fait. Les restaurants et bars nous ont d’abord exprimé leur besoin de visibilité sur internet et en creusant un peu le sujet, nous avons rapidement vu qu’il y avait des tas d’entreprises qui n’avaient pas accès aux technologies, qu’il s’agisse d’un simple site-vitrine ou d’une stratégie en matière de référencement. Comme nous étions déjà sensibilisés au marché de la publicité locale avec l’édition de notre guide, nous avons décidé d’étendre notre modèle au web. Avec mes deux associés, j’ai donc fondé cette société, spécialisée dans la publicité locale sur Internet. L’idée générale consistait à proposer à ces enseignes de leur assurer une présence et une visibilité sur le web.
Comment a évolué l’aventure dans le temps ?
Au démarrage de l’aventure, j’ai mis en place les premières ventes afin d’analyser comment réagissent les prospects. J’ai fait cela pendant un an avant que nous n’intégrions des commerciaux. La mayonnaise a pris assez vite en réalité. Nous devions signer entre 10 et 20 nouveaux clients par mois. Côté financement, nous avons réalisé un premier tour de table de 250 000 euros en 2008. Puis nous avons rapidement grossi et la seconde levée de fonds de 2 millions d’euros est intervenue en 2010. à l’époque, nous étions déjà une petite quinzaine de collaborateurs. Puis l’entreprise a véritablement décollé et nous avons embauché plus de monde. Aujourd’hui, Geolid compte plus de 3 000 clients dans le monde.
Mais vous ne faites plus partie de la structure…
Non, j’ai quitté l’aventure en juillet 2012, au moment où nous amorcions un troisième tour de table. J’étais un peu fatigué de ce secteur et notre relation en tant qu’associés avait un peu vécu. Nous n’étions plus en phase sur de nombreux sujets relatifs à la stratégie de développement ainsi qu’à la répartition des tâches entre nous. Cela nuisait un peu à l’ambiance au sein de l’entreprise, il nous a paru logique de nous séparer. Avec le nouveau tour de table en cours, j’ai eu l’opportunité de sortir dans de bonnes conditions financières. Cela m’a d’ailleurs permis de réinvestir dans ma nouvelle boîte de manière plus sereine.
Qu’avez-vous fait après Geolid ?
Je suis parti aux états-Unis en août 2012 pendant quelques mois afin de faire un break et d’observer le marché dans le but de trouver de nouvelles idées à lancer. J’ai fait le tour des incubateurs, fonds d’investissement et entrepreneurs. J’en ai profité pour rencontrer du monde afin d’analyser les concepts qui fonctionnaient bien là-bas. Je me suis intéressé à deux sujets en particulier : l’éducation en ligne – un domaine qui cartonne depuis, avec l’explosion des MOOCs notamment ! – et les solutions d’entretiens vidéo, pratique innovante en matière de recrutement. J’ai vraiment été séduit par cette technologie. En tant que recruteur chez Geolid, si j’avais eu accès à cette solution logicielle, cela m’aurait vraiment rendu service. En rentrant en France, j’ai hésité entre les deux secteurs et en étudiant rapidement le marché de l’entretien vidéo, je me suis aperçu qu’il n’existait pas de concurrents dans ce domaine ! J’avais identifié plusieurs acteurs aux états-Unis, dont le plus important, HireVue. En Europe, il existait quelques sociétés dans chaque pays, mais aucun leader. Je me suis donc lancé dans ce domaine, avec pour ambition de devenir la référence au niveau européen !
Cette nouvelle aventure s’appelle donc Easyrecrue…
Parfaitement. J’ai créé l’entreprise, en août 2013, après avoir travaillé sur le projet et testé le produit auprès des premiers clients pendant 6 mois auparavant. Rapidement, j’ai vu que le concept plaisait. Il s’agit simplement de faciliter le recrutement digital aux RH avec la vidéo. Concrètement, nous commercialisons une solution logicielle en mode SAAS à destination des professionnels du recrutement. Nous avons levé 500 000 euros en février 2014, puis nous avons réalisé un second tour de table en mars 2015, un an après. En 2015, notre start-up affichait une croissance du chiffre d’affaires de 300 % ! Nous comptons aujourd’hui plus de 250 clients en Europe tels que Manpower, Accor Hotels ou Louis Vuitton. Au total, près de 1 700 utilisateurs RH ont fait appel à Easyrecrue pour rencontrer plus de 40 000 candidats en vidéo. En 2016, le développement de l’entreprise se fait à une allure toute aussi vive, puisque nous avons racheté notre concurrent Visio4People en mars et nous voulons doubler nos effectifs d’ici la fin de l’année pour passer de 40 à 80 collaborateurs. Nous avons d’ailleurs mis en place une logique dans laquelle tous les collaborateurs de l’entreprise peuvent s’associer et participer au capital.
Pourquoi cette stratégie ?
Cela me paraît logique, dans une boîte en croissance comme la nôtre, de proposer aux collaborateurs une récompense vis-à-vis de leur investissement. Ils se donnent du mal pour que l’entreprise fonctionne, la masse de travail est importante, il faut être assez ambitieux… On demande à tout le monde de sortir de sa zone de confort, donc il demeure normal qu’en échange, tout le monde puisse récupérer les fruits de la croissance d’Easyrecrue.
Quels sont les pays dans lesquels vous êtes présents aujourd’hui ?
Nous commercialisons notre produit en France bien sûr, dans des villes comme Paris, Lille et Lyon. Nous sommes également présents à Bruxelles, Londres, Madrid et Milan. Nous avons fait un essai d’implantation en Allemagne mais nous n’y retournerons pas tout de suite car nous avons eu le sentiment que les allemands nous prenaient de haut et qu’il était difficilement concevable pour eux de travailler pour une entreprise française.
On sent que vous pouvez entreprendre dans de nombreux secteurs. Pourquoi cette envie de se mettre à son compte ?
J’ai toujours voulu monter ma boîte, je crois que je suis entrepreneur dans l’âme. à la fin de mon parcours à l’EM Lyon, j’ai signé un contrat en alternance chez Accenture, dans le conseil. Je n’ai pas trop accroché au côté « grande entreprise », les tâches ne m’intéressaient pas plus que ça… J’avais envie de développer un projet qui me soit propre, quitte à ne pas gagner beaucoup d’argent. J’y suis resté un an avant de me lancer dans Geolid. J’ai préféré au confort des grands groupes l’indépendance de l’entrepreneuriat. J’aime la liberté que procure ce statut. Cela étant dit, je n’irais pas vendre des boulons ou des plaques d’égout car ces domaines m’intéressent moins. Mais globalement, j’aime l’idée que peu importe le secteur dans lequel vous entreprenez, c’est la manière d’exécuter, l’envie et l’application que l’on met dans son travail qui peuvent constituer une bonne partie du succès d’une boîte !
D’où vous vient cette fibre entrepreneuriale ?
Je n’en ai aucune idée ! Aucun membre de ma famille n’est entrepreneur et l’école de commerce nous sensibilise assez peu au sujet, ou en tous cas uniquement d’un point de vue très « marketing », au travers de grands discours. Quand j’ai obtenu mon diplôme en 2008, nous étions 3 sur 300 à monter une boite, dont 2 faisaient partie de Geolid ! Vous imaginez que l’entrepreneuriat ne constituait pas un sujet aussi puissant qu’à l’heure actuelle. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué sur le sujet. Mais globalement, les jeunes diplômés se projettent plutôt dans des grands groupes, car ils y voient la sécurité de l’emploi.
A l’époque où vous vous êtes lancé, vous aviez 23 ans. La jeunesse d’un entrepreneur est-elle un atout ou un inconvénient ?
Sans doute un peu des deux. Bien évidemment, il reste plus compliqué de rassurer les investisseurs quand vous êtes jeune. Pour lever les 250 000 euros du démarrage, nous avons dû convaincre vraiment beaucoup de monde. Contrairement à ma nouvelle aventure entrepreneuriale, où les tours de table se font plus rapidement, nous avons dû faire des efforts pour convaincre que le projet Geolid était bon !
Il existe un « Mickaël Cabrol » que l’on connaît moins : celui qui investit dans le football…
Oui, depuis quelques années, avec trois amis, j’investis dans le club de Boulogne-Billancourt, en région parisienne. Je m’implique dans la partie commerciale et sur l’aspect communication. S’occuper d’un petit club et le faire monter progressivement dans les différentes divisions nous paraissait un challenge intéressant. Quand nous avons approché le club, il jouait en division d’honneur. Depuis, nous avons connu deux montées successives ! Ce qui m’intéresse, au-delà du football, c’est vraiment le challenge : partir de rien et gravir un à un les échelons.
Gérer un club de football, est-ce similaire à la gestion d’une entreprise ? Qu’est-ce que l’un apporte à l’autre dans votre quotidien ?
Les deux univers sont très complémentaires. J’ai essayé de tirer le meilleur des deux mondes. Dans le football, j’apporte au club une méthodologie sur le plan de la prospection commerciale, du marketing et de la communication. Ils n’avaient pas du tout pris en compte cet aspect. Au sein de l’entreprise, je joue sur l’émulation collective et la motivation des équipes de ventes, notamment. J’attache de l’importance à montrer aux collaborateurs que nous sommes une équipe soudée avec un objectif commun. Je montre que nous devons nous dépasser, travailler en synergie… et faire la fête quand nous enregistrons de bons résultats !
En substance, est-ce aussi un moyen de faire la promotion d’Easyrecrue ?
Franchement, ce n’est pas le but premier, mais cela ne fait pas de mal à l’entreprise de se voir associée à un club de football. L’entreprise est partenaire, notre logo est affiché sur le site du club, mais nous n’avons pas de visibilité particulière sur les maillots. Il n’y a aucun échange d’argent entre l’entreprise et le club, même si j’ai investi à titre personnel dans les deux structures.
Comment parvenez-vous à concilier vie professionnelle et vie personnelle ?
Je n’ai pas vraiment de soucis de ce côté-là. Tout est une question d’organisation. Je commence à travailler très tôt le matin pour réussir à faire tout ce que j’ai à faire et je rentre chez moi vers 20h. Cela marche plutôt bien et je concilie parfaitement la vie de famille et la vie d’entrepreneur : je me suis marié en septembre et j’attends un heureux événement… !
3 Conseils de Mickaël Cabrol
- Persévérer. Quand vous débutez une aventure entrepreneuriale, sachez qu’il ne faut jamais baisser les bras ! Vous devez faire preuve de courage pour aller au bout de l’histoire !
- Se placer en position d’apprenant. Ne soyez pas satisfait de ce que vous avez, essayez de toujours vouloir être meilleur. Cherchez à apprendre, à vous améliorer !
- EXECUTION FIRST. L’idée ne fait pas grand-chose, mais l’exécution compte pour beaucoup ! Tout se joue dans les détails, des plaquettes commerciales au tableau de bord financier.
« J’ai préféré au confort des grands groupes l’indépendance de l’entrepreneuriat. J’aime la liberté que procure ce statut. »