La première cause d’échec des startups est le conflit entre fondateurs, selon l’ouvrage de Noam Wasserman “The Founder’s Dilemmas”. Faut-il s’associer quand on monte son entreprise ?
Cet ouvrage est le résultat d’un travail de terrain fondé sur l’analyse d’environ dix mille cas d’entrepreneurs et/ou porteurs de projets dans les domaines des TIC et des sciences du vivant. L’auteur s’appuie sur de nombreux cas pour illustrer les différents dilemmes qui se posent aux fondateurs. Toutefois, il utilise la personnalité d’Evan William, l’un des fondateurs de Twitter pour nous convaincre de son analyse. Ils classent ces dilemmes en trois grandes catégories qui comportent codes sous-dilemmes dont les dilemmes de l’équipe fondatrice : faut-il créer en solo ou en équipe ? Quels cofondateurs : amis ? famille ? connaissances ? étrangers ? Comment répartir le capital entre les fondateurs de l’entreprise ? Ces dilemmes sont l’objet de notre article.
Pourtant, les entreprises fondées et dirigées par une seule personne inspirent la plus grande prudence aux investisseurs. Quel écart entre la froide réalité des échecs, et l’espoir insensé que les habitudes d’investissement placent dans la capacité des personnes à s’unir dans un projet commun ?
La meilleure façon de se séparer sereinement de ses associés serait-elle, tout simplement, de ne pas avoir d’associé?
La question se pose particulièrement dans l’univers des startups où l’existence d’un entrepreneur unique peut être le signal d’un problème, dont les effets néfastes ne sont pas encore tangibles, mais ne manqueront pas d’apparaître.
Pourquoi s’associer ?
L’absence d’associé peut être le signe d’une incapacité à vendre son produit à son premier client : l’associé qui s’engagera dans le projet. Ce peut être dû, soit à une faiblesse du projet, soit à une faiblesse du porteur de projet. Dans les deux cas, cela peut être une source de scepticisme pour les partenaires et les investisseurs.
L’absence d’associé implique aussi que l’entreprise sera le strict reflet des forces et faiblesses
de son fondateur. Or, si l’entrepreneur est un bon ingénieur, par exemple, il peut être un mauvais communicant et l’association de personnes est souvent le moyen le plus sûr d’associer des compétences complémentaires.
Cela étant, même si l’incapacité d’un fondateur à convaincre des partenaires et l’incapacité de son entreprise à posséder toutes les compétences nécessaires sont des sujets légitimes de préoccupation, ce sont des hypothèses et non des faits. L’absence d’associé ne signifie pas impérativement un manque côté fondateur, ou côté produit pas plus qu’elle ne signifie une incapacité de l’entreprise à fonctionner.
La nécessité illusoire de l’association
Seule une croyance très répandue en l’absolue importance des associés impose de privilégier à l’excès des sociétés avec plusieurs fondateurs. Or, bien souvent, nos croyances sont des illusions, que le réel ne manque pas de briser. Avoir des associés n’est pas nécessaire pour réussir. Ce qui est nécessaire, c’est d’avoir un produit ou un service que les gens veulent acheter. Et, dans cette perspective, avoir des associés peut être un bon moyen de s’assurer une capacité de production et de commercialisation d’un produit.
En un sens, il est important que chaque porteur de projet s’interroge sur les raisons qui le poussent à s’associer: le fait-il par souci d’affichage? Ou pour répondre à une nécessité opérationnelle? Et mesure t-il que l’association est une exigence, à l’image de la vie démocratique, qui impose, non seulement des règles de civilité, mais aussi des individus dotés d’une très grande exigence morale envers eux-mêmes?
Cette comparaison entre la société démocratique et l’entreprise peut servir aux cofondateurs de rappel permanent des deux forces qui permettent la survie d’une association humaine: d’une part un régime de règles, et d’autre part, une vertu individuelle qui nourrit le régime de règles et se substitue à lui quand ces règles explosent en plein vol ce qui est souvent le cas dans les petites entreprises.
Ce dernier point peut être l’occasion d’émettre l’hypothèse qu’une société, politique ou commerciale, ne peut être autre chose qu’une communauté d’amis. Cette dernière assertion peut sembler contraire à une croyance répandue en France, selon laquelle il ne faudrait jamais s’associer à ses amis, et, plus généralement, il ne faudrait jamais mêler amitiés et affaires.
L’amitié nécessaire entre associés
Mais les problèmes que rencontrent les associations d’amis sont rarement le fait de l’association, ils sont le plus souvent la manifestation d’une erreur sur ce qu’est l’amitié. Des amis ne sont pas des compères, des personnes mues par une unité d’intérêts, mais des personnes soudées par une identité de valeurs. En ce sens, si les entreprises fondées par des amis finissent parfois dans le sang. Cet échec a pour origine, bien souvent, à un manque de lucidité sur la nature de l’amitié qui liait initialement les compères.
En ce sens, l’amitié des fondateurs ne doit pas être une donnée de départ, mais un projet. Ainsi, des associés qui n’étaient initialement pas des amis peuvent le devenir, entraînés par la passion partagée qu’inspire un projet commun. Et ce projet commun ne peut être la réussite économique. Celui-ci ne peut être que le moyen de remplir une tâche plus noble, plus haute: comme apporter un mieux-être, rectifier un tort, sauvegarder quelque chose qui mérite d’être sauvé voire, changer le monde pour le meilleur.
Pour résumer, fonder à plusieurs une entreprise peut être une grande aventure humaine, à condition que l’association des fondateurs se nourrisse, non pas seulement de contrats, mais d’aspirations idéalistes. Peut-être que la meilleure allocation de ressources, lors de la constitution d’une entreprise, est de s’interroger sur ce qui nous inspire et si cette inspiration est partagée.
Il n’y a pas de manière de se séparer de ses associés. Mais il y a un véritable choix dans l’élection réciproque des associés.