Le rachat d’Instagram par Facebook pour le montant astronomique d’un milliard de dollars a fait couler beaucoup d’encre et en a déconcerté plus d’un. Comment une entreprise de moins de deux ans, employant seulement 13 salariés et ne générant aucun revenu, peut-elle valoir une telle somme ? Plusieurs raisons expliquent tout de même cette somme. L’analyse de cette « success story » et de la gestion de la startup ont en effet de nombreuses choses à enseigner aux jeunes entrepreneurs.
L’histoire d’Instagram
Petit rappel
A l’origine de ce projet on retrouve Kevin Systrom, diplômé en 2006 de l’université de Stanford. Il effectue un premier stage chez Odeo (qui donnera naissance à Twitter) puis connait une autre expérience professionnelle chez Google. Il travaille en parallèle sur un réseau social d’échange de photos, Burbn. C’est par l’intermédiaire de ce réseau qu’il rencontrera Mike Krieger, avec qui il s’associera pour travailler sur le projet qui deviendra instagram.
L’application a été lancée en Octobre 2010 sur Iphone et permet à ses utilisateurs de prendre des photos puis de les retoucher en y appliquant toutes sortes d’effets et de filtres. Les photos peuvent ensuite être partagées. Au moment du rachat l’application comptabilisait plus de 30 millions d’utilisateurs, faisant ainsi d’Instagram un véritable réseau social. L’application est disponible depuis avril 2012 pour Android également.
Une société non rentable
Instagram n’est pas rentable et ne génère aucun revenu puisque l’application est disponible gratuitement et sans publicité. L’entreprise de 13 salariés au moment du rachat s’est financée grâce à d’importantes levées de fonds, 500 000 dollars dès l’origine puis 7 millions de dollars en 2011 auprès de Benchmark Capital, de Baseline Ventures et d’Andreesen Horowitz. En 2012, la société réalise un nouveau tour de table et parvient à lever 50 millions de dollars. Ce sont ces différentes levées de fonds qui ont permis à Instagram de tenir malgré l’absence de revenus suffisants générés.
Pourquoi Facebook a racheté Instagram ?
Mettre la main sur un possible « concurrent »
Instagram était parvenu à devenir un acteur quasi incontournable du partage de photos et pouvait même concurrencer Facebook sur ce point. Cette montée en puissance d’un concurrent (certes indirect) a donc conduit Facebook à vouloir limiter les risques de ne plus être en situation de domination en la matière et donc à procéder au rachat. Car il faut bien le dire, Instagram, par son ergonomie et son originalité, était devenu (et est toujours) un véritable phénomène et constituait un réel réseau social par la possibilité qu’il offrait de partager avec des amis ou des inconnus des photos et donc des moments de sa vie. La société avait réussi à créer un véritable « lieu » de rencontre et de partage. La société de Mark Zuckerberg a préféré dépenser 1 milliard pour avoir un contrôle sur le développement de la startup.
Eviter que ses concurrents Twitter ou Google prennent possession de la startup
Une réelle guerre fait rage entre les géants d’internet pour mettre la main sur les jeunes entreprises prometteuses et sur les talents. Si Facebook ne s’était pas positionné, il y a fort à parier que Google et Twitter l’auraient fait. Facebook a préféré prendre les devants pour éviter qu’un concurrent obtienne une compétence lui permettant de rattraper son retard.
Rester à la pointe
Même si les concepts sont évidemment très différents, certains utilisateurs commençaient à utiliser davantage Instagram que Facebook pour partager. Il est faux de penser que la crainte d’une obsolescence prématurée soit absente chez Facebook. Au contraire, malgré sa position, l’entreprise de Zuckerberg met tout en œuvre pour éviter de subir le même sort que des sociétés comme Myspace ou encore MSN messenger.
Poursuivre sa stratégie d’adaptation aux smartphones
Par ce rachat, Facebook poursuit également sa stratégie d’adaptation aux « nouvelles tendances ». Les utilisateurs passent de plus en plus par le mobile et Facebook a bien compris la nécessité de travailler davantage sur ce support. Le géant accuse un retard important sur ce point, son outil de partage de photos sur mobile est assez lacunaire. Cela explique aussi pourquoi Facebook n’a pas hésité à dépenser une telle somme.
Parier sur un potentiel de croissance
Rien ne dit qu’Instagram ne générera pas un revenu colossal dans les prochaines années. Quand Google rachète Youtube, la plateforme ne générait que de très modestes revenus (15 millions de dollars). Cinq ans après l’acquisition, Youtube dépasse le milliard de dollars de chiffre d’affaires. Ce qu’a acheté Facebook, c’est avant tout un potentiel de croissance.
Quelques leçons pour les entrepreneurs
Penser grand sans s’agrandir trop vite
Dès le début de l’aventure, Kévin Systrom, cofondateur d’Instagram, n’a pas caché son ambition. Il a tout de suite affiché sa volonté de changer la façon avec laquelle les gens communiquent et échangent.
Malgré ses grandes ambitions, et contrairement à ce que font de nombreuses startups, il n’a pas fait l’erreur de vouloir s’étendre trop rapidement. Il a toujours fait en sorte que son entreprise reste flexible et efficace dans son organisation. Lorsqu’elle a été vendue, l’entreprise ne comptait que 13 salariés. Il est indéniable que le jeune diplômé de Stanford avait les moyens d’engager une armée de programmeurs, d’ingénieurs, de marketeurs, mais il ne l’a pas fait. C’est en restant petite et réactive que l’entreprise a pu se concentrer sur son message, son cœur de métier, et conquérir les utilisateurs.
Penser en premier aux utilisateurs, aux revenus ensuite
La clé des business sur internet est de situer l’utilisateur au centre des préoccupations et de la stratégie. La première étape n’est pas de générer des revenus mais plutôt de tenter d’augmenter le nombre d’utilisateurs, le nombre de personnes qui vous suivent. C’est cette communauté de fans, d’utilisateurs fidèles, qui constituera la richesse de votre entreprise.
La logique d’Instagram a été celle-ci, élargir au maximum le nombre de personnes appréciant le service proposé. La société aurait pu aisément faire payer quelques dollars pour son application mobile et générer en cela un revenu important rapidement. Mais elle ne l’a pas fait, en comprenant rapidement que ce n’était pas dans son intérêt. Elle a fait le choix de laisser l’application gratuite. L’important n’était pas l’argent qui était perdu maintenant, mais plutôt le revenu potentiel futur avec chaque nouvel utilisateur. Cette optique explique en partie les succès de géants tels que Google ou Facebook.
Reconnaitre ses erreurs si l’on a tort
Instagram a fait une erreur importante en voulant changer les conditions d’utilisation de la plate-forme afin de pouvoir vendre les photos. Cela a fait un véritable tollé sur le net, les utilisateurs exprimant massivement leurs craintes d’une monétisation du service et d’un croisement de données avec Facebook. Au plein cœur de la « tempête », le nombre d’utilisateurs quotidiens a même été divisé par deux.
Cependant, le cofondateur n’est pas resté campé sur ses positions. Il a rapidement fait machine arrière en revenant aux anciennes conditions d’utilisation. Ce rétropédalage s’est de plus accompagné d’excuses de la part de la société. Cette histoire nous apprend d’une part que la confiance des utilisateurs est une chose fragile qui peut être remise en question à chaque instant, mais surtout qu’il est impératif pour les entrepreneurs de reconnaître leurs erreurs et ne pas s’entêter inutilement. Ce qui compte avant tout, c’est ce que pensent les utilisateurs.
Attention, il est évident que ces leçons ne s’appliquent pas à toutes les startups présentes sur mobile, et qu’appliquer ces leçons ne vous garantira en rien le succès. Il n’y a évidemment pas de recette magique qui permette de garantir le succès sur le web ou sur mobile. Des conditions très spécifiques ont entraîné le succès d’Instagram. Cela dit, il est souvent bon de s’inspirer de ce que font ceux qui réussissent pour voir s’il est possible d’appliquer certains éléments à son business.