Plaidoyer pour le droit à l’erreur !

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Elle n’est aux achats que depuis quelques semaines. Ce revendeur informatique qui a embauché Laura (jeune femme avec de l’expérience dans des domaines d’activité similaires) va lui confier les liens quotidiens avec les grossistes et constructeurs pour tout ce qui concerne le « hardware », le matériel, dans son intégralité.

L’intégration dans l’entreprise

Bien sûr, savoir acheter, quel que soit le produit, requiert un minimum de rigueur et d’observation, en plus de bases solides en négociation. Et Laura, excellente spécialiste Télécom, a besoin d’un certain temps d’adaptation. Les deux premières semaines sont consacrées à s’approprier la culture de l’entreprise, repérer les circuits d’influence, identifier les jeux de politique interne entre les commerciaux, apprendre les noms des interlocuteurs chez les fournisseurs, tout en surfant sur les multiples références, promos, « part numbers » et autres outils de gestion des stocks mis en place par son prédécesseur de patron.

Car c’est lui qu’elle va devoir « aider/supplanter/assister/renforcer ». Donc, comme c’est une « pro », il lui a montré, expliqué, plus ou moins patiemment (« ce n’est quand même pas ma faute si le téléphone nous interrompt sans arrêt ! ») ; il l’a mise en garde contre les pressions de certains constructeurs, lui a confié (avec quel déchirement !) les codes d’accès aux modules commande, et Laura peut enfin effectuer ce pour quoi elle est rémunérée : passer des ordres chez ses fournisseurs pour satisfaire les demandes (urgentes, bien sûr) des commerciaux et de leurs clients.

Puis l’erreur qui n’est pas tolérée…

Malheureusement, dès le 2ème jour de prise de poste, la bourde arrive ! Faisant confusion entre 2 lignes, elle commande un modèle de PC sans les graveurs prévus. L’erreur se remarque à l’arrivée des produits, et la crise éclate. En 5 années, au préalable, elle ne s’est pourtant jamais trompée.

Mais là, c’en est – déjà – trop pour son boss : inexcusable. L’entretien, ou plutôt la soufflante, commence devant une partie de l’équipe, et se termine en tête à tête, avec suffisamment de vigueur toutefois pour que tout le monde entende ! « Nulle, incapable, irresponsable », les qualificatifs frôlent l’injurieux. Et Laura se recroqueville, doutant de ses capacités, de son sérieux, voire de son avenir dans cette société. Car elle s’est trompée, une fois !

… et ses conséquences immédiates

Et voilà une bonne acheteuse, qui parce qu’elle perd de son assurance, devient maladroite dans les semaines qui suivent, hésite, demande 3 fois avant de confirmer un ordre, bref CONFIRME à son patron que son impatience et sa colère sont justifiées. Se rappelle-t-il, ce manager exemplaire, le nombre incroyable d’erreurs qu’il a lui-même commises, et qu’il a appris, avec le temps, à anticiper, comprendre, analyser, bref à mettre en place les systèmes de contrôle adéquats ?

En montrant un peu plus de patience et de pédagogie avec sa collaboratrice, il aurait probablement évité cette démotivation rapide. Car le résultat, trop fréquent, est évident : c’est lui qui va reprendre en mains la fonction achats. Donc continuer à déborder, se montrer irritable, surmené, tout en pestant contre l’incapacité de tous ses collaborateurs. Laura ira certainement chercher un autre job ; souhaitons-lui de tomber sur un boss qui saura l’encourager lorsqu’elle se trompera (au moins la 1ère fois).

J’oubliais : le client final acceptera les PC sans graveur, car moins chers au bout du compte. Satisfait, il en profitera pour passer une commande supplémentaire ! Et comme disait Alexandre Vialatte : « Sauf erreur, je ne me trompe jamais ! ».

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