Les acteurs de l’ESS au service de l’intérêt général : quelle place pour les entrepreneurs ?

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AMAP, associations, banques coopératives, circuits courts, commerce équitable, insertion par l’activité économique, finance participative, SCIC, SCOP, ESAT : comment s’y retrouve-t-on parmi tous ces acteurs ? L’ESS (l’Economie Sociale et Solidaire) recouvre un champ économique très vaste et des activités très variées.

Essayons d’y voir plus clair….

L’ESS regroupe deux mouvements : tout d’abord, l’économie sociale, historiquement portée au début du 20ème siècle par l’utopisme social des coopératives ouvrières et qui regroupe 4 statuts bien définis : les associations bénévoles et employeuses,les SCOP, les mutuelles bancaires et de santé et les fondations. Et l’économie solidaire qui elle trouve sa source dans les années 60-70 quand sont nés les premiers mouvements sociaux pour répondre aux besoins liés au développement du chômage et qui recouvre plutôt des filières d’activité autour d’acteurs très variés (environnement, art, culture, coopération internationale, logement, santé etc.).

La notion d’ESS actuelle

Aujourd’hui, l’ESS regroupe un ensemble d’acteurs qui reposent sur des valeurs sociales communes : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux besoins de proximité des territoires et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement. Le modèle économique de l’ESS est au service de la société et du citoyen.

Elles visent des dimensions encore complètement ignorées de la plupart des indicateurs de croissance, le bien-être individuel et collectif, les services d’intérêt général, le lien social… Les entreprises de l’ESS apportent de nouvelles richesses socio-économiques et contribuent au développement social et durable des territoires en faisant vivre des valeurs autres que financières : citoyennes, démocratiques, humaines, éthiques etc.
Des acteurs nombreux et variés… pas étonnant alors que ce pan de l’économie soit si conséquent puisque d’après l’Observatoire National de l’ESS, cette économie représente 10% de l’emploi en France avec 2,3 millions d’emplois !

Une économie à forte plus-value sociétale qui porte de nombreuses réussites

Dans un contexte de mondialisation de l’économie à tout va, les acteurs de l’ESS rappellent qu’il est important de revenir à une économie plus localisée qui part des besoins du territoire afin de permettre un développement réellement tourné vers les habitants. Ce choix de relocalisation économique donne naissance à un cercle vertueux et permet de parer à toutes les dérives sous-jacentes de notre modèle actuel : une importante ressource d’emplois non délocalisables, des circuits courts comme les AMAP (Associations de Maintien pour l’Agriculture Paysanne) qui permettent par exemple de développer un mode de consommation responsable et respectueux de l’environnement et enfin le rétablissement de lien social, qui fait cruellement défaut à nos sociétés actuellement absorbées par des circuits économiques dépersonnalisés.

L’ESS doit aujourd’hui ses réussites à la multiplicité de ses acteurs et aux valeurs qu’ils défendent. Ils développent aujourd’hui de nombreux projets, dans des domaines très variés : environnement, finance responsable et solidaire, logement, santé, culture, habitat, transport, alimentation….

Des principes sous-jacents forts qui marquent la distinction avec l’économie dite classique

Alors que les projets capitalistiques de l’économie financiarisée recherchent le profit à court terme, les acteurs de l’ESS sont résolument tournés vers des projets durables de moyen et long terme. Les bénéfices sont réinvestis vers des projets d’utilité sociale et distribués en priorité aux membres du collectif. Les prises de décision sont démocratiques au service d’une gestion collective. 4 principes sont à retenir : la non-lucrativité, la gouvernance démocratique (1 hommes – 1 voix), la libre adhésion au projet (bénévolat) et une finalité humaine et sociétale en répondant à des besoins de proximité.

La finalité est de répondre à des besoins sociaux avant tout en partant du territoire, à l’inverse d’une économie classique centrée la plupart du temps sur la création de besoins et sur un fort progrès technique. « Ce n’est pas la vocation des acteurs de l’ESS de construire des Airbus » comme le précise Stéphane Coëzy, chargé de mission à la CRESS (Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire) du Nord Pas de Calais… « L’ESS répond à des besoins humains sociaux de base » ajoute-t-il passionné.

Et pourtant des modèles qui ne vont pas l’un sans l’autre…

Mais dans un contexte où l’Etat se désengage de plus en plus de ce rôle contraint d’autant plus par la raréfaction des finances publiques, le champ libre laissé aux entrepreneurs privés, ces nouveaux entrepreneurs dits « sociaux » est de plus en plus important. Et le projet économique dans ce cas sert à développer le projet social. La finalité reste sociale mais les moyens utilisés se tournent vers le modèle économique classique pour lever des fonds et créer des richesses. Certes, ces nouveaux entrepreneurs sociaux ne respectent pas tous les critères et principes clefs de base de l’ESS mais peut-on dire pour autant qu’ils ne font pas de l’ESS ? « Si les entrepreneurs sociaux et créatifs se sont emparés du sujet et qu’’ils servent un objectif d’utilité sociétal, c’est bien ça qui compte » proclame Mohamed Gnabaly, Directeur de Novaedia, entrepreneur social de l’ESS profondément convaincu.

Les synergies entre le monde associatif et le monde de l’entreprise sont d’ailleurs de plus en plus poussées et développées : il suffit de voir le nombre de partenariats qui se développent… Les deux économies se croisent, il ne fait aucun doute là-dessus… Prenons le cas de cette PME d’Alsace spécialisée dans la production de café, qui travaille de concert avec une association réutilisant les sacs de matières premières à des fins d’engrais agricoles. Une logique d’ESS parfaite adossée à un nouveau modèle économique, l’économie circulaire. 

Et des acteurs classiques qui font appel à des ESAT (Etablissements médico-sociaux qui emploient des personnes handicapées) contribuent quelque part à l’ESS même s’ils ne sont évidemment pas des acteurs de l’ESS. Ou encore des PME engagées dans des logiques de circuit court portés par une démarche de RSE exemplaire rentrent dans les acteurs de l’ESS, « il s’agit avant tout d’une question d’échelle » selon Stéphane Coëzy. Faut-il entendre par là que l’ESS ne serait réservé qu’aux petites structures… Les plus gros s’en défendent prétextant, évidemment, eux aussi contribuer à l’ESS via leurs fondations et leurs partenariats associatifs.
La réponse ne serait être catégorique et ferme… La question est finalement de savoir si on peut combiner efficacité économique et efficacité sociale. Il semblerait que oui, si l’on en croit les réussites des entrepreneurs sociaux…

Les nouveaux venus de l’ESS : les entrepreneurs sociaux pour servir l’innovation sociale

Qui sont ces entreprises à même d’être compétitives et de combiner efficacité économique et efficacité sociale ? Ce sont les entreprises sociales de l’ESS. Elles sont positionnées sur des secteurs d’intérêt général comme la santé, la petite enfance, les circuits courts, la dépendance, et sur les nouvelles filières de la croissance verte dans les domaines du bâtiment, des énergies renouvelables etc.
Ces nouveaux entrepreneurs sociaux relèvent d’une nouvelle école : la plupart adhèrent au mouvement MOUVES (Mouvement des Entrepreneurs Sociaux) qui porte une philosophie de conciliation entre l’objectif économique et l’objectif social : certains appliquent les méthodes de l’économie classique dans un objectif social et d’autres transforment le modèle de l’ESS pour l’orienter en partie vers une logique capitalistique.

D’autres entrepreneurs qui se disent aussi sociaux sont à mi–chemin entre cette nouvelle école et l’ancienne école traditionnelle du modèle associatif alternatif : ils ont une démarche économique certes mais cette démarche est sociale en elle-même.

L’exemple de Mohamed Gnabaly

Allons voir l’exemple et l’histoire Mohamed Gnabaly qui a fondé Novaedia, une entreprise de l’ESS qui propose des paniers de fruits en entreprise pour servir un seul et unique objectif : « permettre l’évolution des jeunes des quartiers de banlieue ».

Issu de la banlieue de Seine Saint-Denis, Mohamed Gnabaly, effaré par le nombre de frustrations et d’échecs dans les quartiers, décide un jour avec des amis d’enfance de fonder l’association « Capital banlieue ». Après avoir réalisé un diagnostic dans la ville de l’Ile Saint-Denis, il se rend compte que la société n’offre pas suffisamment d’exemples de réussites à ces jeunes trop souvent mal insérés : voulant remédier à cette situation, il crée le programme « Scolidaires » : des jeunes étudiants qui proposent des cours de soutien aux cadets de leur quartier pour les aider à se former et évoluer. Pour un objectif : aider les jeunes à trouver leurs aspirations et à réaliser leurs rêves.

Il décide alors de vendre un nouveau concept, fraichement débarqué des Etats-Unis: proposer des paniers de fruits dans les entreprises et faire appel à de nouveaux fonds de financements : ses clients de l’économie dite classique deviennent ses partenaires ; ils financent les programmes et achètent ses produits… une corbeille se vendant de 5 à 6 euros le kilo pour des paniers pouvant contenir de 3 à 8 variétés de fruits. Peu à peu l’activité prend mais il est rapidement coincé par son modèle associatif : « Le statut associatif était trop limité pour nous permettre le développement économique adéquat nécessaire à notre objectif sociétal : aider des jeunes à évoluer dans les quartiers par le soutien scolaire, il nous fallait un modèle hybride et créer des ressources nous-mêmes pour financer notre objectif sociétal » déclare Mohamed Gnabaly. Et la transformation en SCIC s’est avérée la solution, car elle permet de concilier plus facilement leurs deux objectifs qui ne vont pas l’un sans l’autre : créer de la richesse matérielle dans une logique solidaire pour financer ensuite des activités socialement utiles… Ainsi en 2012, les ressources qu’il a pu développer lui permettent de créerun laboratoire de 300 m2 et de proposer avec son traiteur Plaine de Saveur des services aussi variés que des déjeuners bio, des cocktails bio, des buffets bio, des paniers bio tout en finançant son objectif premier, les programmes sociaux !

Aujourd’hui :
• ils ont un partenariat avec un ESAT qui les amène à employer des travailleurs handicapés,
• ils emploient des jeunes en recherche d’emploi avec peu d’expérience professionnelle et/ou peu de qualifications dans une logique de formation professionnelle,
• ils accueillent de nombreux stagiaires de leur ville d’origine,
• ils ont un ancrage local qui les amène à travailler en priorité avec des agriculteurs de la région, artisans et traiteurs du département.
• La structure emploie 10 salariés, elle peut faire des bénéfices et les redistribuer aux membres de l’équipe, sans enrichissement personnel, avec un objectif avant tout sociétal, les indicateurs économiques étant secondaires… « Nous n’appliquons pas les méthodes actuellement pratiquées dans l’économie dite classique. Les indicateurs de notre réussite ne sont pas avant tout notre chiffre d’affaires mais le nombre d’emplois que ce chiffre d’affaires nous permet de créer. En d’autres termes nous avons la volonté d’avoir des indicateurs financiers nous permettant un développement endogène, mais ces indicateurs sont secondaires face à nos objectifs principaux » assure Mohamed Gnabaly.Et de conclure « Novaedia n’est pas une entreprise lucrative aux visées sociales mais bien une entreprise sociale et solidaire qui vise l’indépendance financière afin de mener le plus librement possible nos activités sociales ».

« Enfin, ce fut quand même le parcours du combattant, réussir à développer un nouveau modèle hybride à la croisée des deux mondes économiques et sociaux ne fut pas chose facile »ajoute Mohamed Gnabaly. Néanmoins, aujourd’hui, la récompense est là, Novaedia ayant récolté de nombreux trophées dont ceux de la Ville de Saint-Ouen, de l’agglomération de Plaine commune et du Conseil général de Seine-Saint-Denis : « Nos jeunes sont fiers de travailler dans notre structure, et nos meilleurs ambassadeurs, ce sont bien nos jeunes » conclue fièrement Mohamed Gnabaly.

Mais tous ne sont pas dans le cas de Novaedia qui fait le choix d’optimiser ses ressources pour privilégier avant tout un objectif social quand la plupart essayent de trouver un équilibre entre une rentabilité économique et un objectif sociétal. Ceux que certains réussissent très bien par ailleurs… Quand on regarde la réussite du groupe SOS qui répond aux besoins fondamentaux de la société à travers ses cinq grands cœurs de métier : la jeunesse, l’emploi, les solidarités, la santé, les seniors. Le GROUPE SOS concilie efficacité économique et intérêt général. 

L’important c’est le modèle que l’on prône et les objectifs que l’on affiche. Il n’y a pas de tabou à chercher la rentabilité ni la performance économique.

ESS : loi-cadre pour éviter les dérives et instaurer un cadre juridique

Il est certain néanmoins que des critères stricts doivent s’appliquer à ces nouveaux entrepreneurs sociaux au risque de dérive pour attirer plus de capitaux vers des entreprises lucratives. Il ne va pas sans dire que les acteurs traditionnels de l’ESS tirent d’ailleurs un peu la tête, pour qu’on s’éloigne de la tradition ancestrale du partage équitable des bénéfices….

De plus, le système capitalistique attire inévitablement vers une quête de profits perpétuels ne risque-t-il pas de se positionner sur ce secteur avec une visée capitalistique ? Ou du moins d’en détourner la finalité ? Certains attirent l’attention : les anciens de l’ESS ne veulent pas lâcher le morceau à des entreprises économiques plus classiques ou à des entrepreneurs sociaux intervenant dans des logiques concurrentielles et compétitives. L’ancienne école des acteurs de l’ESS ne veut pas entendre parler de rentabilité ni de performance économique pour qui le sujet économique est tabou.

L’exemple des entreprises d’insertion

Prenons pour exemple les entreprises d’insertion (EI) qui se doivent de proposer un produit et service viable économiquement et aussi de travailler avec des personnes éloignées de l’emploi. Etant en concurrence avec les entreprises du secteur marchand, elles sont parfois soumises à des injonctions contradictoires : être viable économiquement et accueillir des personnes en insertion ; parfois, du coup, l’étau se resserre, on demande à la personne d’être plus rapide, plus productive, et les critères de recrutement ne desservent plus l’objectif principal : aider à réinsérer une personne éloignée de l’emploi.

Le cas des entreprises adaptées

Les entreprises adaptées (EA) qui emploient 80 % de personnes handicapées sont quant à elle souvent taxées de concurrence déloyale. Prenons l’exemple de l’Entreprise LE PETIT PLUS, une entreprise spécialisée dans le recyclage des déchets de bureau (papiers, cartons, gobelets, canettes, bouteilles, cartouches, piles, …) qui a obtenu son agrément « d’entreprise adaptée » il y a 3 ans maintenant ; « C’est vrai que certains nous taxent de concurrence déloyale, nos clients pouvant bénéficier de réduction sur leur taxe Agefiph, mais pour moi c’est un non-sens, certes la masse salariale nous coûte moins chère, mais les aides aux postes ne compensent pas le surcoût du projet social qui nous demande un travail important sur la formation, l’adaptation des postes etc…déclare Mathieu Boullenger, le Directeur de l’entreprise. Une étude commandée par l’UNEA et réalisé par KPMG parlant même d’un surcoût social qui n’est couvert qu’à 92% par les aides publiques en place. 

« Nous ne faisons pas de misérabilisme et nos clients nous font confiance aussi bien pour la qualité de nos prestations que pour nos prix qui ne sont ni plus chères ni moins chères que ceux du marché. Notre objectif est bien sûr avant tout sociétal, créer de nouveaux emplois pour les gens en situation de handicap, quand on sait que le chômage touche deux fois plus ce public, on ne peut pas y rester insensible » conclue Mathieu, passionné. Mathieu est donc un vrai entrepreneur social porté par des valeurs quelque peu altruistes. D’ailleurs, il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’il envisage d’obtenir sous peu l’agrément « Entreprise solidaire » pour son autre entreprise Plus que Parfait, une entreprise de nettoyage industriel : un agrément qui exige un mode de recrutement tourné vers les personnes en situation de fragilité, 30 % des salariés devant être soit des personnes au RSA, soit des ex détenus ou des chômeurs de longue durée. Une entreprise qu’il qualifie pour l’instant « d’entreprise sociale » et qui contribue à l’ESS même si pour le moment elle n’entre pas encore juridiquement dans le champ de l’ESS : l’agrément devrait bientôt remédier à cela.

Face à toute cette émergence d’acteurs et à ces guerres de chapelle, il revient donc à l’Etat de canaliser cet important pan de l’économie en canalisant ces nouveaux acteurs et en réservant pourquoi pas certains pans de marchés à l’ESS, « l’Etat a de toute façon un besoin urgent de rationaliser et mutualiser les dépenses publiques, Il exige donc de plus en plus de la coopération entre les acteurs et de la concurrence intelligente…facile à faire sur un marché où le nombre d’acteurs est limité, plus complexe dans un secteur foisonnant d’acteurs… » déclare Stéphane Coëzy.

C’est pour cela que l’Etat doit d’ailleurs voter très prochainement une loi cadre pour reconnaître cette économie plurielle et diversifiée etl’aider à changer d’échelle. Mais elle doit surtout organiser et structurer ce melting pot d’acteurs et protéger quelque part des risques de dérives sous-jacents. Cette loi déjà attendue pour 2013 devrait être votée pour mars 2014 : au-delà du fait qu’elle va permettre de reconnaître les apports indéniables de l’ESS encore sous-estimés et peu reconnus par les pouvoirs publics, elle devrait apporter beaucoup plus de lisibilité. « Cette loi va enfin permettre de faire le tri entre les acteurs et poser un cadre pour qu’une organisation se mette en place » précise Stéphane Coëzy. Et d’intégrer quelque part les nouveaux venus, les entrepreneurs sociaux.

La loi cadre va donc tenter de répondre à la sempiternelle question : à partir de quand est-on un acteur de l’ESS? N’y aurait-t-il pas 3 acteurs au final ? Les acteurs traditionnels classiques de l’ESS classique (type associations), les acteurs hybrides (les entrepreneurs sociaux utilisant les modèles économiques classiques pour servir un objectif sociétal), et les entreprises classiques (les entreprises ancrées dans une réelle démarche de RSE et portées par de bonnes pratiques de gouvernance collective créantquelque part aussi de la valeur sociétale)… Matthieu Boullenger résume à lui tout seul la problématique en déclarant « Ne soyons pas naïfs, certaines entreprises rentrent légalement dans le champ de l’ESS mais n’ont pas une bonne politique RH et d’autres ne sont pas juridiquement des acteurs de l’ESS et ont pourtant des pratiques de gouvernance collective exemplaires ».

Et comme le résume très bien Mohamed Gnabaly, « il est stérile de rentrer dans un débat classique qui oppose deux extrêmes, la nouvelle école des entrepreneurs sociaux et l’ancienne école des modèles alternatifs, il faut rechercher la voie du milieu et de la flexibilité pour servir l’objectif sociétal collectif, le modèle économique et le modèle social n’allant pas l’un sans l’autre. Chacun peut avoir des objectifs différents, l’important c’est que les critères soient cohérents. Tous les acteurs sont quelque part légitimes ». Et Mohamed Gnabaly de conclure, « Entre les acteurs de l’ESS, les contradictions et débats sur le sujet sont avant tout de toute façon sur les moyens et les stratégies de développement et non sur les valeurs et objectifs ». Trouver le bon modèle de financement qui va permettre de créer les richesses nécessaires à la plus-value sociétale recherchée. Cette loi devrait d’ailleurs permettre de propulser le financement des structures de l’ESS actuelles, un peu coincées dans leur statut pour soutenir leur développement : aujourd’hui, par exemple, la région IDF subventionne à hauteur de 10 000 euros le passage du statut d’association à celui de SCIC…
Des accompagnements existent donc, allons voir de plus près…

Des accompagnements et des mesures incitatives nécessaires

Les dispositifs d’accompagnement existent, des mesures incitatives et réglementaires sont aussi légions.
Ainsi, il existe notamment des aides pour le financement des postes dans les entreprises adaptées (EA),l’aide au poste représentant 80% du Smic brut par an et par travailleur handicapé. Dans les entreprises d’insertion (EI) qui emploient des personnes éloignées de l’emploi, les aides sont à durée déterminée car elles ont avant tout pour objectif le rebond pour l’emploi dans une entreprise ordinaire. Les aides de l’Etat sont avant tout-là pour financer les besoins qui ne sont pas rentables pour l’activité économique.

Quant aux dispositifs d’accompagnement, le dispositif DLA (Dispositif Local d’Accompagnement) semble le plus connu : porté par les CRESS et financés par la CDC, l’Etat, des fonds européens et les Régions, il consiste à accompagner des programmes visant la consolidation et la pérennisation des emplois locaux sur un territoire donné dans des structures à finalité sociale, objectif principal de l’ESS rappelons-le. « Il s’agit d’un coup de pouce et de réfléchir au bon modèle économique, celui qui va permettre d’avoir le volume de ressources suffisant qui va pérenniser le poste » déclare Stéphane Coëzy.Pour cela, le programme du Nord Pas de Calais propose notamment un diagnostic et de l’accompagnement sur mesure par une mise à disposition de ressources de 250 consultants au niveau régional. « Le choix du statut et du modèle économique dépend bien évidemment du contexte, de l’activité, il faut savoir si elle rentre ou non dans un champ concurrentiel », rappelle Stéphane Coëzy. Du cas par cas donc…

L’ESS, une façon de redonner du sens à l’économie et finalement d’innover ?

Sans faire de politique, il n’en reste pas moins qu’un nouveau modèle économique reste à trouver, le dernier modèle capitalistique de libéralisation financière à tout va, ayant prouvé quelque part avec la crise ses propres limites : un système déconnecté de l’économie réelle ne peut de toute façon plus fonctionner…Et si l’ESS justement redonnait du sens et de la valeur à l’économie, ce mot devenu presque banni du fait de la crise…Beaucoup de choses sont de toute façon à inventer, aussi bien dans les statuts que dans les nouveaux modèles de développement économique et de coopérations possibles. Trouver peut-être une troisième voix, un chemin hybride qui permet de créer de la valeur pour l’entreprise et la société, le capital servant le travail en premier lieu…mais peut-être sans empêcher le capital de se rémunérer, au risque de toujours voir le robinet de capitaux se fermer…

N’est-ce pas dans la voie du milieu qu’il faut chercher ? Sujet très sensible et qui porte à de nombreux débats en tout cas…A vous de juger…et de débattre…

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