Harcèlement moral et stress professionnel dans l’entreprise

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Stress professionnel, harcèlement moral au travail, les qualificatifs revêtent une réalité différente mais recouvrent tous deux une obligation de prévention reposant sur le chef d’entreprise. Quelles précautions prendre ?

Toutes les situations de souffrance au travail ne sont pas nécessairement constitutives de harcèlement moral. Les demandes des salariés de condamnation de l’employeur pour harcèlement moral sont souvent rejetées (trois affaires sur quatre), faute d’éléments probatoires suffisants. Néanmoins, ce type de situations peuvent arriver voire vous échapper notamment quand l’entreprise grandit. Que doit faire le dirigeant ou le DRH face à un salarié qui se prétend harcelé par un de ses collègues ? Que faut-il faire lorsqu’un salarié invoque un stress professionnel ou des pressions morales liées aux méthodes managériales de son supérieur hiérarchique ?

Des signes évocateurs

Certains signes doivent conduire l’employeur à s’interroger sur les risques d’existence de facteurs de stress (ou de mal être) au sein de sa société : niveau élevé d’absentéisme, d’accidents du travail et de maladies professionnelles, turn-over, retards, existence de postes non pourvus, défaut de production, etc. Il convient d’abord de rappeler qu’il peut y avoir harcèlement sans intention de nuire (Cass soc 23 novembre 2011 n° 10-18195) car le harcèlement ne part pas forcément d’une mauvaise intention mais peut provenir de mauvaises habitudes managériales.

Un fait isolé ne peut pas constituer, faute de répétition, un harcèlement moral (Cass. soc, 22 janv. 2014, n° 12-29.131). Autrement dit, les agissements incriminés doivent être répétés mais peuvent être espacés dans le temps, par exemple de deux années (Cass. soc., 25 sept. 2012, n° 11-17.987) et les faits constitutifs de harcèlement peuvent se dérouler sur une brève période (Cass. soc, 3 avr. 2013, n° 11-27.054) puisqu’ils peuvent ne durer que 17 jours (Cass. soc., 6 avr. 2011, n° 09-71.170).

Les juges n’hésitent plus à condamner doublement un employeur pour le harcèlement lui-même et pour manquement à son obligation de prévention du harcèlement en entreprise, soit son obligation de sécurité. ( Cass. soc, 6 juin 2012, n° 10-27.694)

Des contraintes légales à respecter

Le Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ce type d’agissements (article L. 1152-4). Les contentieux en la matière sont de plus en plus nombreux et la jurisprudence veille aux mesures prises en pareille circonstance pour garantir la sécurité et la santé des salariés. Elles sont donc de préférence à préparer en amont.

Il ne suffit pas d’agir vite puisque dans certaines situations où l’employeur a, dès la connaissance des faits de harcèlement, pris toute les mesures pour faire cesser la situation et préserver la sécurité des salariés victimes, les actions entreprises ont été considérées comme insuffisantes par les juges.

En effet, la violation de cette obligation est caractérisée même si l’employeur a immédiatement pris des mesures conservatrices et protectrices destinées à permettre au salarié victime de harcèlement moral de poursuivre son activité professionnelle au sein de la société en toute sérénité et sécurité (Cass soc 3 février 2010 n ° 08-44019), une proposition de mutation dans un autre établissement du salarié victime (Cass soc 3 février 2010 n° 08-44144), ou encore procédé au passage de la salariée auteur des faits d’un travail de nuit à un travail de jour afin qu’elle ne soit plus en contact avec la victime. (Cass soc 19 janvier 2012 n° 10-20935).

Pourquoi ces condamnations alors même que l’employeur a tout mis en œuvre pour faire cesser la situation ? Dans ces affaires, la Cour de Cassation estime que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité qui est une obligation de résultat. Celui-ci ne doit pas se contenter de prendre des mesures en vue de faire cesser le harcèlement mais il doit empêcher sa survenance pour que de tels faits ne se produisent pas.

La prévention : le maître mot.

Le législateur impose au chef d’entreprise de prendre un certain nombre de mesures de nature à prévenir les risques de stress et de harcèlement au travail. Ainsi :

  • Le règlement intérieur doit prévoir l’interdiction de tout harcèlement moral dans l’entreprise, et l’immunité disciplinaire dont bénéficie le salarié victime ou témoin d’actes de harcèlement moral (article L. 1321-2 du code du travail) ;
  • Lorsqu’un délégué du personnel met en œuvre la procédure du droit d’alerte en présence d’une atteinte à la santé notamment mentale d’un salarié, l’employeur doit alors diligenter immédiatement une enquête avec lui et prendre ensuite, le cas échéant, les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble (article L. 2313-2 du code du travail) ;
  • Quelle que soit la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, l’employeur doit transcrire dans un document unique, les résultats de l’évaluation des risques, notamment psycho-sociaux, à laquelle il a procédé dans le cadre de son obligation générale de prévention des risques professionnels (article L. 4121-3 du code du travail) ;
  • Le législateur a aussi introduit la possibilité pour le salarié s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause de recourir à une médiation (article 1152-6 du code du travail).

Des précautions pratiques à prendre

Le respect de ces dispositions est évidemment insuffisant pour régler la question du stress au travail et du harcèlement moral. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises ont réuni les partenaires sociaux autour de ces problématiques et ont négocié des accords collectifs avec des mesures plus poussées. On retrouve dans ces accords diverses mesures telles que des formations et sensibilisations adéquates des responsables hiérarchiques, une politique de communication auprès des salariés sur les notions de stress et de harcèlement moral avec la présence du médecin du travail, la mise en place de comités de pilotage, la diffusion de questionnaires de type Karasek, des enquêtes (ou audits) internes autour de ces problématiques, voire l’aménagement de lieux tels que la création de salles de sport ou autres.

Il est également fait appel à des intervenants extérieurs en prévention des risques professionnels ou des cabinets de conseil spécialisés.

Le panel des mesures envisageables est large, et dans tous les cas, un conseil s’avère indispensable : que les faits soient réels ou imaginaires, l’employeur prudent devra prendre en compte les allégations du ou de ses salariés et engager les procédures que lui impose la loi (droit d’alerte, saisine du CSE, etc.) afin de se prémunir de tout contentieux en la matière. Reste à retenir qu’un management efficace est aussi un management humain, ciment de la cohésion dans l’entreprise.

A noter : 3 partenaires dans cette démarche

L’ancien CHSCT, aujourd’hui comité social et économique (CSE), veille à la protection de la santé physique et mentale des salariés et on peut le consulter sur les mesures de prévention du harcèlement mises en place ou proposer lui-même des actions de prévention.

Le médecin du travail peut proposer des mutations et transformations de postes justifiées par des considérations relatives à la santé physique ou mentale des salariés, et particulièrement au harcèlement moral.

L’inspecteur du travail, nous l’oublions souvent, peut intervenir à titre préventif, et pas seulement répressif.

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