Offshore 5 millions : comment réussir sa fraude fiscale ?

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« Offshore 5 millions » est un petit jeu de société qui vous permet de planquer votre fortune sur un compte offshore. Cyril de Breville, son créateur, se révèle tout aussi original et audacieux…

Trader puis mannequin

Cyril de Breville est une personnalité qui maîtrise ses sujets et est passionné par eux, certes, mais tout à fait incernable. Est-il animé d’une soif de curiosité, de création ou de challenge ? Dur à dire, toujours est-il que son parcours est des plus éclectiques. Ce qu’il voulait faire plus petit en témoigne : pompier, pâtissier « de luxe », et puis surtout pilote de chasse (métier pour lequel il a passé les tests). Mais Cyril opte finalement pour un bac scientifique et des études de commerces en intégrant l’European Business School.

Une spécialisation dans la finance le pousse à devenir trader pour une grande banque. Le futur père d’Offshore aime bien manier les chiffres, mais ne fait que manipuler… Lui qui rêve de créer. Cyril change alors radicalement de cap, et se relance dans la photo qu’il avait commencé à l’école. En parallèle, il s’inscrit au cours Florent pour devenir acteur. Tout cela ne semble pas suffire au jeune homme, qui démarre une licence de psychologie. « C’est une forme de science que je trouve assez liée à la création… Cela m’intéressait beaucoup » précise t’il. 

En tant que mannequin, Cyril de Breville défile et pose pour quelques grandes marques, tandis qu’il cumule quelques petits rôles comme acteur. On le voit notamment jouer le rôle du garde du corps de Sarkozy dans le film La Conquête ! Ces expériences lui permettent d’être à l’aise avec lui-même et son image, lui font gagner une certaine aisance. Quand on le questionne sur parcours aussi chargé que dispersif, il répond : « Découvrir c’est comme l’entrepreneuriat. C’est une nature d’être, on l’est ou on ne l’est pas. C’est une manière de pensée, une prédisposition ».

Un Monopoly politiquement incorrect

Eté 2002, Cyril vient de finir le cours Florent et sa licence, et se retrouve désœuvré. Que faire ? Il imagine un personnage millionnaire qui se heurterait au système fiscal français… puis décide d’en faire un jeu de société, pour faire rêver les gens. Le concept est simple : le gagnant est celui qui dépose en premier 5 millions d’euros sur un compte offshore. Le jeu, évidemment inspiré de la fiscalité bleu-blanc-rouge, offre nombre de possibilités. Le joueur attaque ses adversaires en leur mettant des impositions, se sauve grâce aux cartes « Paradis fiscal » ou « Résident suisse », ruine son voisin avec la « Banqueroute », etc. Il crée Offshore 5 millions en un mois, dessine les cartes et s’adresse à un graphiste pour la numérisation. « Il y a beaucoup de travail entre l’idée rigolote et la réalisation.

Aussi, il faut prévoir tous les mécanismes, toutes les situations de jeu. C’est comme créer un algorithme » assure le créateur. Le plus dur est à venir : commercialiser le jeu. Le créateur a beaucoup de mal à convaincre les éditeurs, qui trouvent le concept légèrement trop « politiquement incorrect ». Dix ans après sa création, Cyril de B. sort finalement son jeu, qui est publié exactement 4 jours avant l’affaire Cahuzac ! « C’était son heure… » commente t’il, « il y a 10 ans, l’exil fiscal était déjà d’actualité mais beaucoup moins médiatique. C’est peut être pour cela que je n’ai pas trouvé preneur ».

L’auto-financement et l’auto-édition

Face à la frilosité des grandes maisons du jouet, l’auto-édition s’impose pour l’entrepreneur. En effet, mis à part la filiale française du géant Ravensburger qui est intéressé ( l’accord coule finalement au niveau du siège allemand), personne n’ose parier sur le jeu. Il part en fonds propres en investissant un peu moins de 20 000€, et commande 3000 exemplaires d’Offshore 5 millions, ce qui représentait déjà une prise de risque. « Mais je croyais en mon jeu, donc ce n’était pas un problème » affirme t’il. Seul problème : il ne reste plus assez de liquidités pour assurer la publicité du produit. Pour vendre le 1er produit des « Editions de Breville », Cyril doit donc continuer à tout faire seul -et compter sur le buzz.

Il va démarcher les clients lui-même, et convaincre un par un les différents points de vente pour vendre son jeu. Afin de communiquer sur le produit, la même technique est adoptée : le créateur frappe à toutes les portes, passe par Le Point, Le Nouvel Observateur, jusqu’à être invité dans l’émission Les Grosses Têtes de Philippe Bouvard en septembre 2013 ! Aujourd’hui, plus de 1000 exemplaires sont vendus et « Offshore 5 millions » est présent dans 25 points de vente différents.

Une stratégie ficelée sur le (très) long terme

Pour Cyril de Breville, « Offshore 5 millions » est un jeu qui peut très bien fonctionner à l’international, notamment avec l’austérité en Europe, et le franc-parler sur l’argent dans les pays anglophones. Actuellement, le jeu est aussi vendu au Luxembourg, est en cours de traduction en anglais, et devrais débarquer rapidement chez nos voisins transalpins. Le but pour l’auto-éditeur est de dénicher un distributeur, afin d’accomplir un but à peine caché : connaître le même succès international que le Monopoly. « Il a été créé dans les années 30 par un chômeur qui s’est débrouillé de ses propres moyens. C’est un jeu qui a un peu les mêmes axes qu’Offshore: il joue avec le système capitaliste et n’est pas forcément très correct, le but étant de s’enrichir en ruinant son adversaire ! »

Pour toucher le marché américain, Cyril pense à « stariser » son jeu en faisant appel à un acteur hollywoodien pour la publicité ; et au réseau de la jet-set sur la côte ouest pour créer un lancement spécial de soirée. « Il faut une communication qui soit aussi originale que le jeu » s’explique t’il. L’entrepreneur ne se fixe aucune limite, et a même un projet de jeu télévisé sur le même concept. Cerise sur le plateau, un contact en Chine et en Russie étudie le terrain pour une éventuelle diffusion encore plus exotique. Nul doute que la récente affaire Depardieu puisse simplifier sa tâche. « Je peux faire rire Poutine » conclue Cyril…

Questions choisies :

Comment a t’on l’idée de créer un jeu de société ?

Encore une fois, c’est comme l’entrepreneuriat, c’est une question d’état d’esprit, d’initiative. Mais Offshore est très étudié. Pour moi, il y a un côté « mise en scène » et représentation du réel nécessaire que j’ai saisi grâce à mon expérience de comédien. Et puis, bien sûr, il faut avoir la fibre créatrice –créer un jeu revient à monter sa boîte à plus petite échelle : on a juste d’autres enjeux et d’autres calculs à prendre en compte.

Comment le confectionner ?

C’est vrai qu’il n’y a pas d’école. Pour la confection, c’est ma licence de psycho’ qui m’a, je pense, beaucoup aidé. Un bon jeu de société est bien pensé psychologiquement, et fait activer des mécanismes psychologiques positifs. Il faut déjà trouver une thématique qui ne soit pas négative dans le psychisme des gens. Le côté « offshore », un petit peu « anti-système » correspond à un fantasme assez français. Ensuite, il y a le côté « voyeur » où l’on peut voir le compte en banque de l’adversaire ; et le côté « je suis l’état », étant donné que l’on distribue des impôts au joueur adverse.

De quoi vous êtes-vous inspiré ?

Du Monopoly et du Mille-bornes. Comme le mien, ce sont des jeux qui peuvent s’inscrire sur le long terme, étant donné que ce sont des thématiques qui reviennent. L’off-shore n’est pas nouveau : il est né avec les Grecs qui voulaient éviter les taxes portuaires et ont créé des zones libres de taxes…

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