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Entrepreneur

Interview de Philippe Coléon, Fondateur de Shiva

Quel a été votre parcours jusqu’à la création de Shiva ?

J’ai travaillé 15 ans dans la pub et le marketing direct pour de grands groupes. Alors que j’étais chez Euro RSCG, j’avais un tout petit client spécialisé dans les cours particuliers qui s’appelait Cours Etude Secours. Au bout d’un an ils m’ont proposé de m’associer avec eux. Cette proposition correspondait à un moment de ma vie où j’étais ouvert au changement et je me suis dit « pourquoi pas essayer ? ». Ma première action au sein de cette société a été de changer le nom Cours Etudes Secours en Acadomia.

Quelles ont été les raisons qui vous ont poussé à quitter votre poste confortable ? 

Au début, cela m’a fait bizarre de quitter le siège de cette grande agence pour me retrouver dans des petits locaux en banlieue ! J’ai divisé mon salaire par trois et perdu le prestige lié au statut. C’est sûr que cela faisait mieux de dire que je travaillais à un haut poste chez Euro RSCG que pour une petite boite de soutien scolaire ! Mais un de mes fils est sourd et à cette époque je faisais face à la difficulté de le scolariser.

Cette problématique m’a fait prendre conscience qu’il y avait autre chose dans la vie que la pub. J’ai alors eu envie de me lancer dans un projet que j’aimais et auquel je croyais. Je pense que la vie est jalonnée de portes qui s’ouvrent, d’embranchements et donc de décisions et de risques. La vie n’est pas une autoroute ! J’ai passé des années dans des grands groupes avant de comprendre que je ne suis pas un homme de groupe ! Je ne me posais pas la question, j’oubliais d’écouter ce que je voulais réellement. Cet enfant m’a permis de me poser ces questions et de sortir d’une branche qui ne me correspondait pas.

N’avez-vous pas eu peur de vous lancer ?

Je me suis dit que si j’avais des valeurs, il fallait que j’aille au bout pour les soutenir. Et puis on a aussi le droit de se tromper. Si j’avais échoué, j’aurais toujours pu retrouver un travail dans la pub. Et si je n’en avais pas trouvé cela aurait signifié que je ne valais rien dans ce secteur et que, de toute façon, je n’aurais pas duré longtemps dans le milieu. à l’époque j’avais 32 ans. Si à cet âge là on a peur de créer et de se lancer, de perdre sa voiture de fonction… et bien il vaut mieux ne pas entreprendre ! De toute façon je pense qu’il faut certaines personnes pour créer le monde de demain, et la grande majorité pour rendre ce monde possible. Certaines personnes sont des créateurs, et d’autres non.

Avez-vous été soutenu par votre famille à ce moment-là ?

Ma famille m’a soutenu et mon entourage m’a pris pour un fou ! Mais on peut aller contre son entourage, tandis que contre sa famille, non. On me demandait ce que j’allais faire dans cette petite entreprise. Heureusement j’ai toujours été soutenu par ma femme.

Revenons sur l’aventure Acadomia. Comment êtes-vous passé de la petite entreprise de soutien scolaire au grand groupe ?

En quinze ans nous sommes passés d’une entreprise qui faisait un chiffre d’affaires de presque 6 millions de Francs à un groupe qui atteint les 120 millions d’euros. Pour faire nos choix, nous avons toujours fonctionné de la même manière. Nous sommes partis du besoin et non pas de la théorie. Nos choix n’ont pas toujours été les moins risqués… Le fait d’entrer en bourse en est un bel exemple. Une entreprise du secteur de l’éducation cotée en bourse, ce n’est pas forcément toujours bien perçu. Un des choix que nous avons fait dès le début a été celui de miser sur le développement interne de l’entreprise. Ainsi, 80 % de nos cadres sont d’anciens conseillers pédagogiques employés par Acadomia.

Comment en êtes-vous venus à créer Shiva ?

Il y a 7 ans, notre croissance approchait les 50 % par an et nous nous demandions comment donner une nouvelle dimension au développement de l’entreprise. Nous nous interrogions donc sur la nature même de l’entreprise Acadomia et sur sa vocation. Nous ne voyions pas de possibilités de développement international, alors nous avons opté pour une diversification de notre activité, toujours dans le domaine des services à la personne. Il nous est alors clairement apparu que le marché du ménage à domicile était gigantesque et qu’il n’y avait alors pas d’acteurs placés dessus. Nous avons donc décidé de tester ce nouveau métier, mais sans jamais mettre en danger Acadomia. C’est ainsi que Shiva est né, quasiment comme si cette entreprise était extérieure à Acadomia. 

Vous vous êtes chargés de développer Shiva ?

Nous avons mis 4 ans à définir un business model car il fallait littéralement inventer les codes du métier et du marché. Cela a été la même histoire qu’Acadomia : le ménage, tout comme les cours à domicile, existe depuis toujours, mais aucune entreprise ne s’était déjà placée sur ce créneau. Dans les deux cas, notre objectif était de créer une marque référence qui dicte les codes du secteur. 

N’est-ce pas difficile de s’imposer en tant qu’entreprise dans un métier qui est « verrouillé » par le travail illégal ?

Pour nous démarquer et montrer aussi bien aux clients qu’aux femmes de ménage notre avantage, nous avons dû innover. L’erreur dans laquelle tombent souvent les entreprises de services à la personne est de finir comme une boite d’intérim. Or, le secret est de créer de la valeur ajoutée vis-à-vis du client et de l’employé.

Les 5 conseils

  • Se lancer dans un business qu’on aime, avec des valeurs qu’on partage profondément. Créer et diriger une entreprise représente tellement de problèmes, que si on n’a pas une raison profonde de faire ça, cela devient très difficile.
  • Se lancer là où il y a un marché. Il faut conjuguer son plaisir, ses envies, avec un marché potentiel porteur.
  • Toujours anticiper la croissance. La courbe de croissance n’est jamais mécanique et ne représente pas forcément une continuité. La croissance de l’année suivante ne correspondra pas forcément à la moyenne des trois dernières années.
    Il faut aussi envisager que la croissance puisse retomber.
  • Créer une culture d’entreprise qui vous ressemble.
    Il faut faire comme on est et bien installer les valeurs de l’entreprise avant même que la croissance ne démarre.
  • Se donner un objectif personnel dans l’entreprise.
    Il est important de savoir combien de temps on souhaite s’investir dans la société et anticiper dès le départ la sortie. C’est la clé de la réussite !

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