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Entrepreneur

Interview de Franck Mesnel, Cofondateur d’Eden Park.

Entretien exclusif avec Franck Mesnel, ancien champion de rugby et cofondateur de la marque de vêtements Eden Park.

Devenir rugbyman n’était pas votre première vocation ?

Non, je me destinais plutôt à devenir architecte. En parallèle de mes études aux Beaux Arts, je jouais au rugby en amateur dans une équipe de 3e division. Comme j’étais assez doué pour le rugby, mes amis me poussaient à tenter l’aventure à un niveau supérieur. J’ai quand même décidé de franchir le cap, à 25 ans. Je me suis alors énormément entraîné et, un an plus tard, je me suis retrouvé sélectionné pour la première fois en équipe de France pour jouer contre les All Blacks ! J’ai mené mes deux carrières d’étudiant et de rugbyman en parallèle, puis il a fallu que je fasse un choix. J’ai finalement décidé de jouer à fond la carte du rugby.

Avec votre équipe du Racing, vous aviez la réputation d’être des joyeux lurons !

Oui, en arrivant au Racing en 1985, je suis tombé sur une bande de loustics qui avaient, comme moi, l’envie de s’amuser. Nous avons, par exemple, joué en portant des bérets basques ou avec nos chaussures peintes en doré. Ce décalage est vite devenu notre image de marque. Puis, est arrivée la première finale de la Coupe de France que nous avons joué au Parc des Princes. Nous souhaitions trouver un détail assez « classe » pour symboliser ce moment de fête. Nous avons pensé au nœud papillon et, comme notre mascotte était la panthère rose, nous avons pris des nœuds roses. Ce jour-là, malgré notre très bon jeu, nous n’avons pas gagné le titre. Mais ce petit nœud a fortement marqué les esprits et nous avons été submergés à partir de là par une vague médiatique qui nous a complètement échappé. Nous avons même sorti une chanson à cette époque et nous sommes passés 30 fois en prime time à la télévision, toujours avec nos petits nœuds roses. Ce nœud est vite devenu le symbole d’un état d’esprit jovial que nous véhiculions.

C’est à cette époque là que vous avez eu l’idée de créer Eden Park ?

Oui, je me trouvais dans l’avion direction la Nouvelle Zélande pour jouer la finale de la Coupe du monde avec l’équipe de France et je me suis dit qu’il fallait absolument faire quelque chose avec ce petit nœud rose. Avec mes amis du Racing, nous avons commencé à gamberger pour coller ce nœud et cet esprit à un produit. Nous avons pensé faire du Champagne, du vin… Puis, naturellement, l’idée du maillot de rugby est arrivée sur la table. Très vite, en 1988, une première collection se formalise et nous lançons Eden Park.

Vous avez monté l’entreprise seul ?

Non, au départ nous avons fait un tour de table avec les 3/4 des joueurs de l’équipe du Racing. Au final, nous avons été seulement deux joueurs à nous impliquer activement dans la création de la marque, Eric Blanc et moi-même. Les autres associés étaient déjà occupés par leurs carrières respectives. Mais, encore aujourd’hui, ils continuent à suivre l’évolution de l’entreprise et à nous conseiller.

Lorsque vous avez fondé Eden Park vous étiez encore rugbyman ?

Oui, nous avons monté l’entreprise tout en continuant à jouer. Comme nous n’étions pas une équipe professionnelle, nous étions obligés d’avoir une activité à côté pour subvenir à nos besoins. Donc le week-end, nous jouions les matchs et le lundi nous redevenions entrepreneurs, tout en nous entraînant trois fois par semaine. L’avantage d’avoir créé la marque à cette époque était que nous bénéficiions d’une bonne notoriété : toutes les semaines nous avions la chance d’être interviewés par la presse sportive qui ne ratait jamais l’occasion de nous demander comment se passait la construction de notre entreprise.

Comment avez-vous réussi à pérenniser la marque au-delà du coup médiatique ?

Entre 1988 et 1993, Eden Park a connu une vraie success story, ce qui a permis de faire connaître largement la marque, au-delà du simple coup médiatique. Ce succès était dû à la qualité de nos produits bien entendu, mais également à la notoriété dont bénéficiait notre équipe et nos fameux petits nœuds roses. Nous avons développé la marque petit à petit, en créant un réseau de boutiques puis un réseau de points de vente multimarques et enfin un réseau de franchises. C’est une entreprise familiale, nous ne nous appuyons pas sur des fonds extérieurs, donc nous devons être extrêmement vigilants et toujours bien anticiper.

Vous avez rapidement arrêté de vous cantonner aux simples maillots de rugby ?

Nous avons élargi la gamme au fur et à mesure en partant du simple maillot de rugby pour proposer aujourd’hui un large choix de vêtements, de l’horlogerie, de la bagagerie, des cosmétiques, des textiles de décoration intérieure… Pour développer ces nouveaux pôles de production, qui ne sont pas forcément dans notre ADN et que nous maîtrisons moins bien, nous nous sommes appuyés sur des licences.

Eden Park est une marque qui s’impose de plus en plus à l’international. Quelle est votre stratégie ?

Aujourd’hui, Eden Park est distribuée dans 34 pays, et le développement à l’international ne fait que commencer ! Il y a des zones sur lesquelles la marque plaît beaucoup, comme au Moyen-Orient par exemple. Au Canada et au Mexique également, nous connaissons de beaux succès. Nous essayons de nous développer aujourd’hui en Chine en joint venture, mais nous y allons prudemment, sans nous précipiter. J’ai beaucoup étudié la culture du pays avant que nous commencions à aborder ce marché géant où les opportunités sont fantastiques. Mais, dans tous les pays que nous abordons, le positionnement de notre marque est légèrement différent de celui que nous adoptons en France. à la demande de nos partenaires, Eden Park y est positionné plus haut de gamme, plus cher.

Quel manager êtes-vous dans votre entreprise ?

Pour manager mes équipes, je m’inspire beaucoup des entraîneurs que j’ai connus dans le rugby. J’estime que mon rôle de dirigeant est d’entraîner mes salariés. Je ne suis pas un homme de discours, je me sens beaucoup mieux sur le terrain. Aujourd’hui encore, je continue à partager les efforts de mes équipes sur le terrain, à aller soulever des cartons avec eux, à mettre en place des showrooms… Les salariés ont besoin d’être entraînés avec des actions concrètes, pas seulement avec des mots.

3 Conseils

Ne misez pas tout sur l’idée.

Même si vous avez une idée géniale, mettez-la de côté et focalisez-vous sur le produit et sur sa qualité. Votre bonne idée doit venir en plus, un peu comme un joker, une fois que votre produit est déjà excellent. Commencez par faire les choses de façon un peu basique, mais en misant tout sur la qualité. Ce n’est qu’une fois que vous avez fait cela que vous pourrez y implémenter votre idée.

Faites du sport !

Ne suivez pas l’adage de Churchill qui disait que le secret de sa longévité était de ne pas faire de sport ! Tous ceux qui ont déjà fait un peu de sport, ou simplement marché dans la nature vous le diront, c’est dans ces moments-là que les idées viennent.

Faites des efforts.

.Il ne faut pas se dire que le succès viendra tout seul. Nous sommes dans un pays magnifique, mais où tout n’est pas fait pour faciliter la vie aux entrepreneurs. Monter son entreprise, cela demande de faire beaucoup d’efforts et quelques concessions. C’est le challenge à relever pour entreprendre en France.

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