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Entrepreneur

Interview de Denis Payre, Fondateur de Business Objects

Denis Payre, a été élu « Entre-preneur de l’année » en 1996 par l’édition américaine de Business Week après avoir été Sacré « Prix de l’internationalisation » par le Nouvel Économiste en 1995. Il a été également classé à deux reprises dans le « Top 25 Technology Europe » du Time Magazine qui recense les chefs d’entreprise européens les plus visionnaires en matière de technologie et d’innovation.

Aujourd’hui Denis Payre est surtout reconnu pour ses deux grandes réussites entrepreneuriales : BUSINESS OBJECTS qui, en 2005, comptait déjà 30.000 clients, 100.000 utilisateurs répartis à travers 80 pays et 4.418 collaborateurs (le chiffre d’affaires s’élève à un milliard de dollars). Il est également à l’origine de l’association CROISSANCE PLUS. Enfin, de KIALA, en passe de conquérir l’Europe.

Pourriez-vous nous dire où vous en êtes actuellement ?

L’entreprise que je gère actuellement, KIALA, a démarré en 2002 avec 1,4 millions d’euros de chiffre d’affaires. En 2007, nous faisions 26 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous avons donc eu une croissance annuelle pondérée de 80%, ce qui n’est pas très éloignée de la croissance de ma première création, BUSINESS OBJECTS, qui connaissait à la même période une croissance de 100%. Nous sommes actuellement les leaders dans notre domaine et avons des clients tels que Rue du commerce, Cdiscount, Alapage, Orange, H&M, Neuf Telecom, Free, Esprit… Aujourd’hui, nous sommes implantés au Benelux, en Autriche, en France, en Espagne et préparons les lancements en Angleterre et en Russie.

Quelles sont les principales qualités que doit posséder un entrepreneur pour réussir ?

Je pense qu’un entrepreneur doit être très complet. Il doit être à la fois capable de vendre son produit ou son service mais doit aussi savoir gérer son entreprise. à défaut, il doit savoir s’entourer des compétences manquantes par le biais notamment d’associés. Il se doit d’être le spécialiste de son produit afin de pouvoir appréhender tous les aspects de sa création et tout risque.

La deuxième qualité dont il doit faire preuve est l’énergie. La vie d’entrepreneur n’est pas simple et il faut parfois travailler avec acharnement sans se poser trop de questions. Ainsi, il se doit parfois de changer les habitudes des consommateurs ou des entreprises pour parvenir à vendre son produit. Il faut rappeler que, même en ayant des avantages concurrentiels forts, il est souvent difficile de percer dans le marché, d’arriver à s’y faire une place (et ceci particulièrement en France.)

Je pense aussi que sa grande capacité à résister à l’inertie (qu’il va rencontrer) et sa très grande confiance en lui vont être les véritables facteurs de sa réussite. Pour cela, il ne doit pas trop écouter les autres car on lui répètera très souvent toutes les bonnes raisons qu’il aurait de ne pas se lancer. S’il doit rester réaliste et écouter systématiquement les conseils des autres, il doit apprendre à trier les informations qu’il reçoit.

Que doit vérifier un entrepreneur avant de se lancer ?

Il doit, tout d’abord, vérifier que son idée va rencontrer une demande. C’est la logique de l’offre et de la demande. Sans cette demande il est inutile de chercher à vendre son produit. L’entrepreneur doit faire une étude approfondie du marché.

Il est nécessaire de vérifier les barrières dont il dispose à l’entrée de produits concurrentiels, de s’assurer que le produit ne peut pas être immédiatement répliqué. Mais il n’est cependant pas forcément obligatoire de se créer des barrières avec des brevets et des technologies très sophistiquées, les barrières sont souvent, de nos jours, dans le savoir faire ou dans la stratégie mise en oeuvre.

Si vous deviez vous associer, avec qui le feriez-vous ?

En ce qui me concerne, j’ai toujours fait le choix de m’associer. La connaissance technique du produit m’était apportée par mes associés. Pour ma part, j’apportais une approche plus marché/besoin/client. C’est cette complémentarité qu’il faut rechercher à travers l’association. Bien sûr, il ne faut pas s’arrêter simplement à la technique mais au-delà, s’assurer de la compatibilité et la complémentarité des tempéraments des associés.

Quels sont les points essentiels dans la création d’entreprise ?

Je pense qu’il faut recruter les meilleurs et être prêt à y mettre le prix car c’est le moyen le plus efficace de protéger son capital. J’ai souvent payé plus cher que ce que je ne l’aurais voulu mais, jusque là, ils ont largement couvert leur surcoût. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une industrie où il n’y a de richesses que d’hommes.

Il peut donc être utile de mettre en place des stocks options dont le quota peut être proportionnel au temps passé. Bien entendu, pour des raisons que l’on comprend cette solution n’est pas à appliquer avec tout le monde.

La France est-elle un bon pays pour créer son entreprise ?

Le climat s’est amélioré par rapport à celui que j’ai connu lorsque j’ai commencé. à l’époque il n’existait que 2 ou 3 fonds d’investissement et rien n’était fait pour encourager les entrepreneurs. De nos jours, nous ne sommes plus dans la méconnaissance du sujet comme il y a 15 ans mais il reste encore des améliorations à apporter et ce notamment au niveau du financement en amorçage et du droit du travail.

Quelles pourraient être ces améliorations ?

L’entrepreneur doit rencontrer moins d’obstacles, particulièrement au niveau des fonds de départ. Il est pour cela nécessaire de faire un travail et particulièrement sur les business angels. Or, les particuliers sont encore trop peu incités à investir dans les jeunes entreprises même si des progrès ont été faits avec les mesures de l’impôt sur la fortune.

Il reste également un grand axe : le droit du travail pour les PME. En France, lorsqu’on est une entreprise en expansion et que l’on ne parvient pas à réaliser son plan de croissance, toute l’entreprise est alors menacée, on se retrouve alors bloqué avec des salariés en surnombre. On privilégie donc des plans moins ambitieux pour ne pas avoir à recourir aux licenciements dont le coût est trop élevé.

Certes, il y a des progrès mais ils sont encore trop lents et ne sont pas à la hauteur des défis de la mondialisation.

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