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L’entrepreneuriat social : un nouveau défi

Interview d’Aude Messean, co-fondatrice de l’association Le PariSolidaire a un parcours riche. Elle a conduit sa carrière professionnelle comme une aventurière et a toujours mis l’humain au centre des métiers qu’elle a exercés. De directrice de casting d’AB production, elle est devenue la directrice de casting des personnes âgées et des jeunes à la recherche d’un logement. En 2004, elle crée l’association Le Parisolidaire pour mettre en relation des jeunes à la recherche d’un logement et des seniors désireux de compagnie ou de complément de revenus avec partage des tâches de la vie quotidienne.

Pourquoi avoir choisi l’entrepreneuriat social ?

Ce changement de voie est intervenu parce que je ne supportais plus de faire du commercial médiocre. Il s’agit d’un choix, une forme d’honnêteté vis-à-vis de moi-même. J’avais depuis longtemps un sentiment d’insatisfaction. Quand j’ai agi pour l’accompagnement de 140 personnes licenciées à l’occasion d’un plan social, je me suis sentie en cohésion avec moi-même. Déjà en tant que directrice de casting d’une production, j’ai rencontré des personnes de valeur qui avaient beaucoup de talent mais n’arrivaient pas à vivre de leurs compétences professionnelles.

Le métier d’intermittent du spectacle est précaire, j’ai donc tout naturellement voulu m’investir dans ce combat social. Licenciée de cette même entreprise, la traversée du désert était voulue mais finalement subie. J’avais besoin de sortir de cet univers et de changer radicalement de profession. Le virage n’a pas été simple. Un coup de fil d’une amie m’a donné l’envie d’entreprendre et créer avec elle Le Parisolidaire.

Comment s’est effectuée la création de votre association ?

Grâce à cette amie. Elle m’a parlé d’une initiative en Espagne. En fait, il s’agit de la copie approximative de leur action. Ce projet ressemblait bien plus à mes valeurs. J’ai toujours voulu aider les autres. Déjà, chez AB production, je fournissais des heures de travail aux comédiens qui risquaient de perdre leurs droits. Cela aussi, c’est un peu faire du social !

Cette association est donc la suite logique de mon cursus professionnel. La création n’a pas été facile. Nous travaillions chacune de chez nous par mails interposés. Nous ne connaissions rien au monde associatif mais avec une bonne dose d’énergie, de vouloir faire, de conviction et de professionnalisme nous avons pu concrétiser notre projet. Il y a encore à ce jour des problèmes à régler dont la reconnaissance officielle d’un statut concernant notre action. Sans l’aide de la région qui nous subventionne une partie des salaires nous n’aurions pu continuer.

Comment se faire connaître en tant qu’association ?

Cela n’a pas vraiment été un problème. Nous avons vraiment eu beaucoup de chance ! Cette chance a un nom, c’est la presse, qui elle aussi a trouvé cette idée géniale. Et comme nous étions pionnières, les médias se sont empressés de diffuser l’information. Si nous sommes là encore aujourd’hui, c’est probablement grâce à leur intervention, mais aussi grâce au fait que la plupart des binômes que nous avons formés ont été ravis de leur expérience. Nous avons des seniors qui quatre ans plus tard sont toujours avec nous, très satisfaits de cette formule et qui en parlent largement autour d’eux.

Quelles ont été vos compétences clés pour mener à bien ce projet ?Y a-t-il un diplôme de relations humaines ?

Bien sûr que non. En ce qui me concerne, l’intérêt porté à l’autre et une bonne dose de psychologie et d’intuition. Je pense que les personnes âgées étaient rassurées quand je venais les voir. Pour ma part j’ai l’impression d’un transfert de compétences. Nous ne sommes pas très loin du casting…

Depuis le début de l’année, nous avons embauché une jeune femme qui a fait des études de psychologie et d’économie sociale et familiale, qui gère les cas les plus lourds. Nous sommes depuis peu soutenues par un médecin gérontologue et une psychologue.

Comme se passe la cohabitation en général ?

Avec un public situé entre 50 et 104 pour les seniors et entre 18 et 28 ans pour les jeunes, c’est véritablement un travail d’orfèvre. Cela marche très bien majoritairement. Et quant c’est bien, c’est mieux que bien. En cas de « misscasting », nous avons prévu contractuellement un préavis d’un mois afin de rompre la cohabitation.

Comment vous financez-vous ?

Nous avons trois types de revenus. Les revenus liés à notre activité (frais de dossiers et cotisations) et des subventions publiques ou privées. Sur les conseils de la fondation du Crédit Coopératif qui s’intéresse à notre action et souhaite nous soutenir, nous attendons la reconnaissance du label utilité publique. Grâce à ce label, des sociétés pourront faire des dons, dont une partie sera déductible de leurs impôts.

Cette démarche peut-elle se développer ou doit-elle rester à taille humaine ?

D’un point de vue individuel, nous sommes trois dans la structure pour gérer la cohabitation de 150 seniors avec leurs jeunes. C’est une belle action mais qui prend beaucoup de temps. Nous visitons toutes les personnes âgées qui viennent à nous sur toute l’île de France. Quant aux étudiants, nous recevons tous ceux dont les dossiers de candidature semblent se rapprocher des demandes des seniors en attentes.

Après qu’ils se soient choisis mutuellement il y a un gros travail de suivi qui s’effectue tout au long de l’année avec un besoin de conciliation. Nous avons naïvement cru, au départ, que nous pourrions travailler main dans la main avec toutes les bonnes volontés qui nous ont demandé conseils. Cela n’a malheureusement pas été le cas, mais nous avons quand même créé un réseau, le réseau C.O.S.I. qui fédèrent plus de vingt associations sur le territoire français plus une en Belgique, à New York et aux Antilles, qui travaillent solidairement afin d’offrir aux jeunes et aux seniors le plus d’occasion de se rencontrer.

En ce qui concerne l’Ile de France, nous tenons à sectoriser cette action afin de maintenir le plus de proximité possible avec les seniors. L’association Besoins Deux Toit, située dans les Yvelines, vient de rallier le réseau C.O.S.I. et nous travaillions étroitement ensemble à la réussite de leurs actions dans leur département.

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