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BusinessCréerLa banque et les garanties

Lorsque le banquier devient VRP multicartes

Je pense que cela ne vous aura pas échappé mais nos banquiers deviennent peu à peu des vendeurs en tout genre. Nos banques ressemblent de plus en plus à des drugstores où nous venons faire nos emplettes. Il s’y vend des alarmes pour les maisons, des contrats obsèques, des abonnements téléphoniques, des cartes de crédits et des assurances en tout genre. 

Dans ma vie passée de banquier, j’ai souvent essayé d’interroger ma direction sur cette fuite en avant dans la vente multi forme. La réponse fût toujours la même, celle du sacrosaint PNB (produit net bancaire). Il s’agit là du bénéfice dégagé par la banque et celui-ci peut emprunter toutes les voies possibles et imaginables du moment qu’il rapporte de l’argent aux actionnaires.

Certains pensent que cette évolution de nos banques est une bonne chose pour la société. Cependant, je voudrais mettre en garde le système bancaire contre les dérives que pourraient engendrer cette vision purement mercantile.

Nous allons nous permettre un petit voyage dans le futur et nous allons faire la connaissance d’un banquier de demain qui croisera peut être la route de vos enfants.

Mardi 9 septembre 2025, Banlieue est de Paris

Lucas est pressé ce matin, il a deux rendez-vous avant de passer à l’agence où il est en poste. Cela fait 1 an qu’il est entré dans cette grande banque nationale après avoir passé son CAP technico multitâches bancaires. Il est assez fier du titre de technicien bancaire polyvalent inscrit sur le coin de son bureau.

Il a encore en mémoire cette conversation avec Monsieur Arti, son voisin qui est un ancien banquier des années 1990, Monsieur Arti lui a déjà montré tous les diplômes financiers qu’il a obtenu et même son Master de Droit, fièrement encadré au-dessus de sa cheminée. Il parle beaucoup de finance et de conseil mais son jeune voisin ne comprend guère ce jargon d’une autre époque.

Lucas a le sourire et il ne comprend pas pourquoi il fallait tous ces diplômes avant pour être banquier. Après sa 3e il voulait un cycle d’étude court et après avoir hésité pour un CAP Electronique, il a opté pour ce qu’on appelle la technicité bancaire dans l’éducation nationale. 

Lucas a toujours ambitionné de faire un travail manuel et il se félicite tous les jours de son choix car il a été embauché à la fin de sa période d’apprentissage, chez GBNF (grande banque nationale française) comme tous ceux de sa promo.

Ce matin, il a enfilé son bleu de travail pour aller chez Mme Cornet car il doit lui installer l’alarme de protection de sa maison. Il connaît bien les lieux car c’est lui qui est venu installer le nouveau téléviseur qu’il lui avait vendu le 1er jour de son embauche.

C’est vrai qu’ils ne chôment pas vraiment dans sa banque depuis qu’ils ont acheté cette grande enseigne de produits électro ménagers. La fusion a fait grand bruit dans la presse et encore plus le plan social qui mis au chômage les salariés de l’enseigne.

Il faut dire que Lucas et ses collègues étaient certains de conserver leur poste. Leur diplôme multi tâche mis en place par l’institut de formation à la profession bancaire en 2015 leur confère une compétence certaine et incontournable.

Après la mise en marche de l’alarme de Mme Cornet, Lucas file à son agence car il doit encore appeler une liste de 80 clients pour essayer de leur vendre une des 3 800 références dont il dispose à ce jour.
Lucas dispose d’un attirail commercial à toute épreuve, sur son Ipad27 de dernière génération. Les scripts de ventes sont projetés au-dessus de ses yeux sur les lunettes reliés en wimax (internet sans fil portant sur une zone géographique étendue) au serveur de la banque. Alors il lui suffit juste de lire le texte qui défile.
Bien sûr, il ne touchera pas de commissions sur les produits vendus depuis que le conseil constitutionnel en a interdit la pratique il y a 10 ans après les scandales à répétions de l’époque.

Néanmoins il ne s’en inquiète pas vraiment car les équipes juridiques et marketing de la banque ont astucieusement contournées ce problème en lui fixant des objectifs individuels récompensés par des bonus. Tout cela le dépasse, un peu car un bonus ou des commissions c’est de l’argent qu’il obtient grâce à ses ventes. Pourtant, cela rassure le client, car comme il n’y a pas de commissions c’est le conseil et seulement le conseil qui guide Lucas et ses collègues.

Enfin, il veut y croire même si il essaye d’oublier que Mme Cornet n’avait pas vraiment besoin d’une alarme pour sa maison car à 84 ans, elle ne sort plus vraiment de chez elle…..

Mais Lucas n’a pas le temps de s’attarder dans ses pensées, Mathis son voisin de bureau pousse des cris de joie. La nouvelle vient de tomber dans les alertes de sa tablette, la banque vient d’acquérir le dernier constructeur automobile français. Alors demain, Lucas, Mathis et les autres vont rajouter quelques références à leur outil de vente et feront essayer les voitures parquées dans le hall de la banque agrandit pour l’occasion…

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